A Niamey, la menace d’une intervention militaire alourdit l’atmosphère sans entraver le quotidien

Alors que l’expiration de l’ultimatum, dimanche soir, ne s’est pas traduite par une opération des pays voisins, les putschistes travaillent à rassembler des soutiens au sein de la population et haussent le ton contre la France.

Le Monde – Du haut du palais, les militaires de la garde présidentielle sont aux aguets. Dimanche 6 août, à Niamey, la capitale nigérienne, une poignée d’hommes coiffés du béret marron de la garde présidentielle, dont le commandant, le général Abdourahamane Tiani, a été l’instigateur du putsch du 26 juillet contre le président élu Mohamed Bazoum, scrutent avec méfiance les rares véhicules qui passent sur la corniche Yantala, séparant la présidence du fleuve Niger. A l’une des entrées de ce grand bâtiment qui abritait l’administration coloniale française avant l’indépendance du pays en 1960, un véhicule blindé a remplacé les quelques soldats qui y étaient postés avant le coup d’Etat.

En ce jour d’expiration de l’ultimatum fixé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour libérer le président – il est toujours détenu derrière ces hauts murs avec sa femme et son fils –, les dirigeants de la junte, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), savent qu’ils jouent leur survie.

La menace d’opération menée par les chefs d’Etat de la région hostiles aux putschistes afin de restaurer le pouvoir légitime du président Bazoum va-t-elle être mise à exécution dans les heures ou les jours à venir, au risque de déclencher un confit régional ? Le CNSP, dans l’intervalle, tente de mobiliser des soutiens, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays. Le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des militaires, avaient déclaré qu’une intervention sous l’égide de la Cedeao constituerait une « déclaration de guerre ». L’Algérie, qui n’est pas membre de l’organisation régionale, mais partage près de 1 000 kilomètres de frontière avec le Niger, a fait part de son hostilité à l’égard d’une opération qui constituerait, selon le président, Abdelmadjid Tebboune, « une menace directe » pour son pays.

Tension palpable

 

Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, la formation de Mohamed Bazoum, a dit de son côté qu’une intervention de la Cedeao ne serait pas une « guerre contre le Niger », mais un « ultime recours » sous forme d’opération coup-de-poing sur le palais présidentiel, « pour délivrer un président pris en otage ».

Aucun signe de mouvement militaire n’était encore perceptible lundi matin. A Niamey, loin de la tension palpable aux abords du palais, de nombreux quartiers de la capitale ont passé un dimanche dans le calme. Déjà préoccupés par la menace djihadiste qui ronge leur territoire depuis une décennie, la plupart des habitants s’adonnaient à des activités coutumières, entre mariages dans les hôtels, prières à la mosquée, réunions autour du thé traditionnel au coin des rues et dans les jardins.

En revanche, en plein centre de cette capitale de près de deux millions d’habitants, bastion historique de l’opposition à l’ex-président Mahamadou Issoufou et à Mohamed Bazoum, la colère grondait au stade Général Seyni-Kountché. Dans l’après-midi, des milliers de Nigériens y ont déferlé, enveloppés dans des drapeaux du Mali et du Burkina Faso, d’autres sortant de taxis engoncés dans des boubous aux couleurs du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire. Plus de 30 000 personnes ont crié leur soutien à la junte, dans le but de montrer à ses voisins de la Cedeao et à leurs appuis supposés, France et Etats-Unis en tête, qu’elle est, quant à elle, soutenue par une partie de l’opinion.

« Appel » lancé « à la jeunesse »

 

« La transition ne reculera pas ! » s’est exclamé le général Mohamed Toumba, numéro trois du CNSP, au milieu d’une foule reprenant des slogans contre la Cedeao et la France, agitant pour certains des drapeaux russes. Arrivé triomphalement dans un cortège de pick-up, le général s’est insurgé contre ceux « qui sont tapis dans l’ombre » et « sont en train de manigancer » contre « la marche en avant du Niger ».

Vers 23 heures, soit une heure avant la fin de l’ultimatum, le colonel-major Amadou Abdramane, porte-parole de la junte, a poussé le registre d’accusations plus loin lors d’un message diffusé sur les antennes de la télévision nationale, visant explicitement la France. « Les forces d’une puissance étrangère s’apprêtent à agresser le Niger et son peuple en coordination avec la Cedeao et des groupes armés terroristes. (…) Un redéploiement des forces devant participer à cette guerre est entamé dans deux pays d’Afrique centrale, a-t-il affirmé. L’ensemble de nos forces de défense et de sécurité, fortes du soutien indéfectible de notre peuple, sont prêtes pour défendre l’intégrité. »

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(Niamey, envoyé spécial)

 

 

Source : Le Monde
 

 

 

 

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