Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, partenaires mais aussi rivaux

 Orientxxi.info – Depuis quelques mois, des tensions ont surgi entre les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, nées des ambitions régionales et internationales de cette dernière. Mais si des divergences peuvent surgir sur tel ou tel dossier régional, comme le Yémen ou les relations avec Israël, les deux pays maintiennent une coopération active.

Pierre Prier. Vous revenez d’un voyage dans le Golfe. Quelles conclusions en rapportez-vous ?

Fatiha Dazi-Heni. Je suis allée aux Émirats arabes unis (EAU) et en Arabie saoudite, où j’ai visité la province orientale. Mes entretiens ont eu lieu essentiellement à Riyad, Abou Dhabi et Dubaï. Aux Émirats, c’étaient surtout des entretiens politiques. Je voulais essayer de comprendre les évolutions de la politique étrangère des EAU et de leurs positions régionales, qui fluctuent entre l’interventionnisme et un narratif très pacifique. J’ai vu des directeurs de think tanks, des conseillers diplomatiques, des chercheurs ; alors qu’en Arabie saoudite j’ai mon réseau d’amis et de personnes avec qui je discute de questions sociales, économiques, qui débouchent souvent sur le politique. J’y ai eu aussi, comme aux Émirats, des entretiens avec des think tanks, pour essayer de comprendre la politique régionale de l’Arabie sous le prince Mohamed Ben Salman (MBS) envers l’Iran et le Yémen.

P. P. Qu’est-ce qui vous a le plus frappée ?

F. D.-H. En Arabie, ce qui m’a frappée c’est à quel point tant les responsables de pouvoir que les Saoudiens en général sont sûrs d’eux et de leur pays, contrairement aux Émirats, où j’ai senti une grande fébrilité de la part des politiques, notamment sur la compétition économique avec l’Arabie saoudite. Leur discours se situe beaucoup plus sur la défensive, et est en même temps agressif vis-à-vis de l’Arabie saoudite. Ils ne m’ont pas dit que l’Arabie était leur principal ennemi, mais c’est tout comme. Un ancien dirigeant, qui n’a plus de position officielle et qui est retiré de la vie publique m’a expliqué : « Il est aujourd’hui plus facile de parler aux Iraniens qu’aux Saoudiens. » Pas des questions régionales, mais de la compétition et de la coopération économiques. Les Émiratis vivent comme une quasi-agression les dernières décisions de Riyad qui consistaient à demander aux grandes multinationales installées dans la région — pour ne pas nommer les fameux hubs de Dubaï —, de venir installer leurs QG à Riyad d’ici février 2024, sinon il n’y aurait plus de contrats qui tiendraient.

Concurrence économique

 

Évidemment, le grand marché de la région, en dehors de l’Iran, c’est l’Arabie saoudite. Les EAU se sentent vulnérables parce qu’ils ont sous-estimé l’ambition de MBS de vouloir faire de son pays une force de frappe économique. Il a la volonté de creuser la niche de l’industrie du divertissement et du tourisme que l’Arabie a créée, mais aussi la finance, la communication, la technologie et tout ce qui a trait à l’exploration minière hors pétrole, pour exploiter la très grande richesse en minerais de l’Arabie saoudite. La capacité de l’Arabie dans ce domaine n’est pas sous-estimée par les Émiratis, mais ils ont sous-estimé celle d’attirer des investisseurs dans le domaine des services. Et là, cela fait directement concurrence aux Émirats, en particulier à Dubaï.

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Pierre Prier

Journaliste

 

Fatiha Dazi-Héni

Chercheure, spécialiste des monarchies du Golfe

Source : Orientxxi.info  -( Le 20 février 2022)

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