Traditions – Pratique du «Asko» (généalogie) : Un art «gawlo» à l’épreuve du temps

Le Quotidien – Au Fouta comme un peu partout au Sénégal, les griots sont les dépositaires de l’histoire. Faisant de l’art oratoire leur métier, ils retracent l’histoire et se posent en véritables spécialistes des généalogies à travers l’art du «Asko» (arbre généalogique en pulaar). Aujourd’hui, les nouvelles générations sont de moins en moins intéressées par cet art.

Au Fouta, le Asko (arbre généalogique en pulaar) était jusqu’à une période récente, une pratique quasi sacrée. Aujourd’hui, malgré sa négligence par la nouvelle génération, son caractère sacré de­meure toujours parmi les personnes âgées. Le Asko (la généalogie) est un art des griots foutankés, les Gawlo. Céré­monies familiales, visite à un noble, grands rassemblements (cérémonie d’intronisation de chefs de village, maires, meetings politiques) sont des occasions pour les Gawlo du Fouta de montrer aux familles dont elles connaissent la généalogie, leur maîtrise de l’arbre généalogique de plusieurs familles. Une pratique qui se transmet des grands parents aux petits fils et petites filles.

Asko, une affaire d’héritage chez les Gawlo

La pratique traditionnelle connue sous le nom de Asko ne s’apprend pas à l’école. Les plus jeunes la recevaient de leurs aînés. Les anciens enseignaient le Asko le soir autour du feu. Pour les anciens, ceux qui étaient appelés à prendre leur place à l’âge adulte devaient avoir le sens de la mémorisation car le Asko est à connaître par cœur. Il fallait d’abord connaître sur le bout des doigts les arbres généalogiques des érudits comme El Hadji Oumar Tall, Thierno Sileymane Baal et d’autres, et ensuite, ceux des voisins immédiats et lointains. Habillé d’un grand boubou bazin et d’un pantalon bouffant, lèvres rougies par la cola qu’il n’a pas fini de croquer, Amadou Seck, un vétéran gawlo de Dodel, indique tout en reprenant notre question : «Comment j’ai pu connaître l’arbre généalogique de plusieurs familles dans mon village et dans d’autres ? Je l’ai appris pour la plupart de mes grands-parents. Je prenais des leçons de mon grand-père la nuit, avec mes frères et oncles. Mais j’avais la chance de me renforcer et d’avoir d’autres leçons auprès de ma grand-mère, le jour.»

Amadou nous présente une femme d’âge avancé, Hawa. Elle est sa cousine et elle le conforte en disant qu’en matière de Asko, «Amadou est la personne ressource pour de nombreux Gawlo, car il a eu la chance d’avoir été l’un des plus proches de nos grands parents». Elle ajoute d’un ton moqueur : «Il a une mémoire d’éléphant ce petit homme.»

D’un autre âge, deux autres Gawlo, Didi Diop, enseignante, et Oumar Gawlo, autodidacte, révèlent qu’ils ont écrit tout ce que leurs parents leur dictaient car selon eux, «avec l’évolution des temps, seul l’écrit peut résister et permet de passer le témoin à la nouvelle génération». «Mon niveau d’instruction et ma fonction d’enseignante ne me font pas abandonner ma destinée de Gawlo», prévient d’emblée l’enseignante de Guédé, qui déclare que les jeunes Gawlo ont tendance à délaisser la pratique.

«L’avenir du Ngawlagou (toute chose relative aux pratiques des Gawlo) se trouve chez les filles, car elles continuent de s’intéresser au Asko et autres pratiques.» C’est Dieynaba, une collégienne, qui conforte Didi Diop dans son avis, car l’élève indique que les garçons gawlo collégiens ou autres la critiquent sur le fait qu’elle fait le Asko dans les cérémonies et qu’elle vante sa fierté d’être Gawlo «et la joie qui l’habite en faisant le Asko».

Avec leur niveau d’instruction, les hommes ne s’attardent pas à venir crier devant une assistance, la lignée des gens avec qui ils ont fait les mêmes écoles et les mêmes universités. Pour Oumar Gawlo de Pété, «le déracinement guette les jeunes Gawlo ou nobles car le Asko fait partie du patrimoine du Fouta». Il renchérit : «Seul le Gawlo peut dire les ascendants et les descendants, et les liens de parenté des Foutankés, cela depuis l’Egypte antique. Pour un terroir dont l’histoire n’est pas écrite, j’ai peur d’un déracinement et d’une méconnaissance des origines des générations actuelles.»

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Demba NIANG

Source : Le Quotidien (Sénégal) – Le 22 juin 2023

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