Au Sénégal, la colère après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko

Des affrontements ont fait au moins neuf morts, jeudi, à Dakar alors que le principal rival de Macky Sall pour la présidentielle a été condamné à deux ans de prison qui pourraient le rendre inéligible.

Le Monde – Des branches d’arbres calcinées, des pierres éparpillées et un taxi incendié barrent l’un des principaux axes du quartier de Ouakam, à Dakar. Dans l’air plane une odeur de lacrymogène qui prend à la gorge et brûle les yeux. Jeudi 1er juin, en fin de journée, de jeunes partisans d’Ousmane Sonko, le principal opposant au président sénégalais, Macky Sall, continuaient à affronter les forces de sécurité. Ces violents affrontements ont fait neuf morts à Dakar et à Ziguinchor, ville de Casamance (sud du pays) dont Ousmane Sonko est le maire, a annoncé en pleine nuit Antoine Félix Abdoulaye Diome, le ministre de l’intérieur, dans une déclaration à la télévision nationale sénégalaise.

Ces jeunes, le socle de l’électorat d’Ousmane Sonko, devenu populaire avec un discours nationaliste, antisystème et anti-occidental, criaient leur colère après la condamnation de leur leader à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». L’opposant, qui a été jugé en son absence, a en revanche été acquitté des accusations de menaces de mort et de viol, portées par Adji Sarr, une ancienne employée d’un salon de massage, qui avait 20 ans au moment des faits qu’elle a décrits, entre décembre 2020 et février 2021.

« L’arrestation [d’Ousmane Sonko] peut intervenir à tout moment, sans délais », a assuré Ismaïla Madior Fall, le ministre sénégalais de la justice. Selon les dernières informations données par les autorités du Sénégal, Ousmane Sonko était toujours reclus chez lui, où il a été ramené de force, dimanche, alors qu’il effectuait avec ses partisans une grande « marche de la liberté », de Ziguinchor à Dakar, à 500 kilomètres plus au nord. Jeudi, un important dispositif policier lui interdisait toujours de sortir de son domicile et empêchait ses proches, ses avocats ou des membres de son parti de venir le voir.

« La bataille ne fait que commencer »

« C’est une condamnation illégale ! Nous ferons face à Macky Sall et nous resterons mobilisés pour la révision de ce procès illégal et injuste. La bataille ne fait que commencer », expliquait, jeudi, un sympathisant d’Ousmane Sonko, tout en déplaçant des pierres pour bloquer l’avenue qui passe devant l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar.

« Ce verdict sur commande est l’ultime étape d’un complot ourdi par Macky Sall et ses sbires », a accusé le bureau national du parti de M. Sonko, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dans un communiqué publié jeudi après-midi, appelant « le peuple sénégalais » à « descendre dans la rue » et demandant aux « forces de l’ordre et à l’armée de se mettre de son côté ».

Bus et pneus brûlés, bâtiments publics et maison de responsable au pouvoir incendiée, autoroutes à péage barrées, gare ferroviaire de Rufisque en feu, circulation du TER interrompue… Les incidents se sont multipliés dans certains points de la capitale, tandis que le reste de la ville était calme. Les écoles et l’université avaient suspendu leurs cours, les boutiques et les entreprises avaient baissé leur rideau et la circulation des motos avait été une fois de plus interdite par le gouverneur de Dakar. Des affrontements se sont aussi produits à Ziguinchor, au sud, et à Saint-Louis, au nord du pays.

Le ministre de l’intérieur a confirmé la « suspension temporaire » des réseaux sociaux comme Twitter, WhatsApp, Facebook et YouTube, en raison, a-t-il dit, de « la diffusion de messages haineux et subversifs ». « C’est une situation maîtrisée. Dans l’ensemble, ce sont quelques points de tentative de perturbation. Le rôle de l’Etat est de maintenir l’ordre public », avait affirmé dans la journée Abdou Karim Fofana, le porte-parole du gouvernement, qui condamne les appels à l’insurrection « qui sont un délit au Sénégal », a-t-il rappelé.

Pas la possibilité de faire appel

Après cette condamnation se pose la question de la capacité de l’opposant à participer au scrutin présidentiel de février 2024. « Avec cette peine-là, Ousmane Sonko ne peut pas être candidat à la compétition électorale de 2024 », regrette Bamba Cissé, l’un de ses avocats, qui dénonce une manœuvre du pouvoir pour écarter de la scène politique l’homme de 48 ans.

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(Dakar, correspondance)

Source : Le Monde

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