retour de Bachar Al-Assad au sein de la Ligue arabe domine l’agenda du sommet de Djedda (Arabie saoudite), vendredi 19 mai. Du reste, douze ans après en avoir été exclu pour sa répression sanglante du soulèvement syrien, le président Al-Assad, tout sourire, a bien été accueilli chaleureusement par le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman (« MBS »). Mais sa présence a été vite éclipsée par un invité surprise. En route vers le Japon pour le G7, à bord d’un avion affrété par la France, Volodymyr Zelensky est venu courtiser les dirigeants arabes, dans l’espoir que ces derniers prêtent enfin une oreille attentive à ses appels à condamner l’invasion russe.
– Il avait été prévu que le« Malheureusement, certains pays dans le monde et ici, parmi vous, ferment les yeux sur ces prisons et annexions illégales », a déploré le président ukrainien, invitant les dirigeants de la région à « jeter un regard honnête » sur la guerre menée dans son pays par Moscou. Dans le parterre de dirigeants arabes, le président Zelensky s’est vu opposer des mines plutôt circonspectes. Certains, comme les Algériens, les Emiratis et surtout les Syriens, entretiennent une relation étroite avec la Russie. Les partisans d’une neutralité pragmatique dans le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie, un partenaire stratégique au Moyen-Orient, n’ont, eux, eu d’autre choix que de jouer le jeu dans ce nouveau « coup » diplomatique de « MBS ».
Les ambitions du fougueux monarque dépassent le projet de recomposition régionale auquel il s’emploie depuis qu’il a renoué avec l’Iran, en mars. « MBS » s’est dit « prêt à mener des efforts de médiation » entre Kiev et Moscou. En équilibriste, il a soutenu les résolutions onusiennes condamnant l’invasion russe et l’annexion de territoires ukrainiens, mais il a résisté aux pressions américaines pour augmenter la production d’or noir afin de rogner les revenus de la Russie. En septembre 2022, Riyad a facilité un échange d’une dizaine de prisonniers entre Moscou et Kiev. En février, présent à Kiev, le ministre des affaires étrangères saoudiens, le prince Fayçal Ben Farhan, a promis 400 millions de dollars d’aide pour l’Ukraine.
« Présence emblématique »
« La présence du président Zelensky au même sommet que Bachar Al-Assad est emblématique du changement régional. Avec le vide laissé par le retrait américain, qui a permis aux Russes de prendre pied en Syrie, les acteurs régionaux pensent d’abord en fonction de leurs intérêts propres plutôt que comme membres d’un axe. Ils essaient de trouver un nouveau modus vivendi convenable pour tous », observe l’analyste saoudien Mohammed Alyahya, rattaché à la Harvard Kennedy School.
Cette vision n’était pas partagée par tous, vendredi. « L’invitation de M. Zelensky a été faite au dernier moment par les Saoudiens, sans consultation des partenaires arabes. Personne ne s’y est opposé, mais il y a eu des protestations », confie un diplomate arabe. Le président ukrainien n’a pas vraiment fait mouche en invoquant la souffrance des Tatars musulmans vivant sous occupation russe en Crimée, ou en condamnant la fourniture de drones d’attaque par l’Iran à la Russie. « Le problème est qu’il n’a pas parlé du sort des Palestiniens, alors qu’il est allé demander son soutien à Israël. C’est une politique du deux poids, deux mesures », poursuit ce diplomate.
L’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani, a quant à lui fait le déplacement, mais il est parti après les discours de MM. Ben Salman et Zelensky, sans s’adresser à l’assemblée. Cette présence honorifique est en ligne avec la position du Qatar : Doha refuse de normaliser ses relations avec le régime d’Al-Assad, en l’absence de solution politique, mais il a précisé qu’il ne ferait pas obstacle à l’émergence d’un consensus arabe sur la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe, actée le 7 mai.
« Nouvelle phase » dans la coopération arabe
Bachar Al-Assad ne pouvait, en revanche, pas se permettre de snober le sommet consacrant son retour dans le giron arabe, du fait de la seule présence du président Zelensky. Sans la détermination de « MBS », Damas n’aurait pas retrouvé aussi rapidement son siège au sein de l’organisation panarabe. Le souverain saoudien a dit espérer que cette réintégration ramènerait la « stabilité » en Syrie. M. Al-Assad a plaidé pour une « nouvelle phase » dans la coopération arabe. En marge du sommet, le président syrien a eu des entretiens en tête à tête avec « MBS », cheikh Mansour Ben Zayed et le président tunisien, Kaïs Saïed.
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