« Momo le bottier », chausseur dakarois d’exception

A Dakar, Mouhamadou Moustapha Thiam, dont le surnom vient du nom de sa marque, était déjà considéré comme le meilleur bottier de la ville. En février, il a bénéficié d’un voyage d’étude à la maison Massaro et avec les Compagnons du devoir, à Paris. Le début d’un système d’échanges bénéfiques et formateurs.

Le Monde – Réaménager l’atelier, spécialiser les tâches, tester de nouveaux outils… Quand Mouhamadou Moustapha Thiam atterrit à Dakar, en février, il a des idées plein la tête pour sa petite entreprise. A Paris, il a vécu une semaine au rythme de la maison Massaro.

Pour celui que l’on surnomme « le meilleur bottier de Dakar », les portes de cet atelier mythique se sont ouvertes, l’invitant dans l’univers très confidentiel du chausseur d’exception qui a donné naissance, en 1957, au célèbre petit soulier bicolore de Gabrielle Chanel.

Là, les doigts de l’artisan africain ont tout touché, et ses yeux, tout enregistré, de l’éventail des cuirs et nubucks aux rouleaux de liège qu’il n’arrive pas à se procurer au Sénégal. Il a vu des modèles réalisés pour Lady Gaga, Elizabeth Taylor ou Romy Schneider, contemplé les formes de tant de pieds célèbres. S’il reste encore quelques chausseurs sur mesure pour homme en France, Massaro est le dernier pour les femmes.

Durant son voyage d’étude, il a aussi découvert comment les Compagnons du devoir, l’organisme de référence des bottiers de l’Hexagone, organisent leur travail sur des tabourets bas, comment ils le répartissent dans l’atelier, et avec quels outils. Une mine d’informations picorées à chaque étape de sa première sortie du Sénégal. « En observant les bottiers parisiens, j’ai compris comment une bonne organisation permet de produire plus de chaussures avec moins d’efforts », analyse celui que les clients appellent « Momo le bottier », du nom de sa marque.

Magie des réseaux sociaux

Dans un partage confraternel des savoir-faire, ses doigts ont pu caresser des cuirs d’exception, travailler une peau centimètre après centimètre, pour l’adapter à la forme d’une semelle… Assis sur un tabouret bas, dans un coin de l’atelier Massaro, il a vite révélé, par son geste sûr, son appartenance au club très fermé des grands maîtres bottiers.

Un cénacle fort réduit qui ne compte plus, en France, qu’une trentaine de professionnels capables de créer des souliers sur mesure à partir de l’empreinte d’un pied, reportée sur une forme en bois. D’ailleurs, magie des réseaux sociaux, les professionnels parisiens connaissaient Momo le bottier bien avant sa venue, par les photos de ses créations, qu’il poste depuis 2015.

Mouhamadou Moustapha Thiam, dans son atelier, à Dakar, le 1ᵉʳ mai 2023.

Mouhamadou Moustapha Thiam, dans son atelier, à Dakar, le 1ᵉʳ mai 2023.

Ce voyage d’étude est arrivé un peu comme un cadeau dans la vie du Dakarois, habitué à faire avec les moyens du bord. Dans son arrière-boutique rudimentaire du quartier des artisans, un tournevis bien acéré a toujours fait office d’alêne. En fait, Mouhamadou Moustapha Thiam a beau être le plus réputé des bottiers de la ville, son statut ne change rien à sa galère quotidienne pour trouver de beaux cuirs, des boucles, du liège, et même du carton afin de fabriquer ses boîtes.

« Nous importons quasiment tout. Notre cuir vient de Turquie, comme nos boîtes à chaussures », regrette Maguette Diouf Thiam, son épouse, cofondatrice de la société. C’est elle qui remédie pour chaque commande à l’absence de filières de production locale. Aujourd’hui, elle respire un peu : « La maison Massaro a partagé avec nous sa liste de fournisseurs. Un “cadeau” qui va nous simplifier le quotidien », se réjouit-elle.

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(Dakar, envoyée spéciale)

Source : Le Monde 

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