Soudan a déjà dépassé les frontières du pays. Un vent d’inquiétude souffle désormais chez ses voisins, mêlé à un embarras croissant, sur fond d’exode des populations. Par la mer Rouge à l’est, par l’Ethiopie au sud, comme par l’Egypte au nord ou en traversant la frontière ouest avec le Tchad, des dizaines de milliers de civils cherchent à fuir les combats.
– L’onde de choc de la guerre auDepuis le 15 avril, toutes les tentatives de faire cesser les affrontements entre les forces armées soudanaises (FAS), menées par le général Abdel Fattah Al-Bourhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », ont échoué. Les pertes civiles s’aggravent chaque jour, dépassant les cinq cents morts et plusieurs milliers de blessés, selon le ministère de la santé soudanais.
Désormais, les puissances régionales multiplient les offres de médiation. Mais cette attitude masque difficilement le jeu dangereux auquel elles se sont livrées après la chute d’Omar Al-Bachir, en 2019, en soutenant les deux militaires, au détriment des aspirations démocratiques de la population. Les appels à la désescalade lancés par l’Egypte, les Emirats arabes unis (EAU) et l’Arabie saoudite sonnent particulièrement faux aux oreilles des Soudanais, nombreux à considérer ces trois pays comme une partie du problème et non de la solution.
Investissements de Riyad et Abou Dhabi
En 2019, à la suite de plusieurs mois d’un soulèvement populaire, Riyad et Abou Dhabi ont vu dans le renversement du régime d’Al-Bachir une occasion de reprendre pied au Soudan, aux dépens de leurs rivaux régionaux, le Qatar et la Turquie, enclins à soutenir des régimes proches des Frères musulmans dans la région. D’entrée de jeu, les Emiratis et les Saoudiens ont promis un soutien de 3 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros) aux nouveaux maîtres militaires de Khartoum. Les deux monarchies du Golfe ont aussi investi des dizaines de milliards de dollars dans des milliers d’hectares de terre fertile, leur permettant d’importer des cargaisons entières de produits agricoles ou de bétails, via la mer Rouge.
Si l’Arabie saoudite s’est toujours plutôt montrée favorable au général Al-Bourhane, les EAU ont joué un rôle ambivalent. Nourrissant les ambitions d’« Hemetti », encourageant son ascension contre les forces islamistes, sans pour autant couper les liens avec son rival. Sans les largesses des Emiratis, « Hemetti » qui, contrairement à son adversaire, n’est pas issu du sérail militaire, n’aurait pas acquis la force de frappe dont il dispose aujourd’hui. Avec l’envoi de mercenaires au Yémen pour le compte d’Abou Dhabi et la manne financière de la contrebande d’or vers Dubaï, le chef de guerre darfourien est devenu « le Frankenstein de Khartoum », selon la chercheuse indépendante Sarra Majdoub.
Les deux puissances du Golfe se retrouvent désormais débordées par les ambitions de leurs protégés. « La crise menace tous les projets d’infrastructure des Emirats au Soudan », pointe Corrado Cok, consultant pour le cabinet d’études Gulf State Analytics, en référence à l’accord signé en 2022 prévoyant la construction d’un port commercial sur la mer Rouge et la création d’un nouveau mégaprojet agricole, à 800 kilomètres au nord de la capitale.
Mouvement islamiste soudanais
« Une guerre civile n’est pas dans l’intérêt de L’Arabie saoudite et des EAU. Ils semblent pour l’instant concentrés sur la désescalade et la mise en place d’un cessez-le-feu », estime Anna Jacobs, analyste chargée des pays du Golfe à l’International Crisis Group. Ces derniers jours, Abou Dhabi a hébergé de discrètes rencontres entre émissaires des deux camps pour suspendre les combats durant l’Aïd – une initiative sans grand succès. Les Emiratis ont aussi facilité, le 20 avril, la libération de 170 soldats égyptiens, faits prisonniers par les FSR, lors de l’assaut de la base aérienne de Merowe, à 400 kilomètres au nord de Khartoum.
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