La PMA progresse en Afrique, continent le plus touché par l’infertilité

De Dakar à Kinshasa, des dizaines de centres de procréation médicalement assistée s’implantent depuis plusieurs années dans les zones urbaines.

Le Monde – L’image est tenace. Celle d’une Afrique subsaharienne débordée par sa démographie. Certes, la région affiche le taux de fécondité le plus élevé au monde, avec 4,7 enfants en moyenne par femme. Pourtant, elle est aussi la plus touchée par l’infertilité : 16,4 % des couples subsahariens y sont confrontés. C’est 4 points de plus que les Européens, comme l’indique le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui souligne que ces chiffres alarmants pourraient être en deçà de la réalité tant les données complètes y demeurent difficiles à compiler.

L’infertilité, définie comme l’absence de grossesse après douze à vingt-quatre mois de rapports sexuels réguliers, frappe de manière quasi égale hommes et femmes. Elle résulte souvent, en Afrique, d’une infection sexuellement transmissible (IST) non soignée ou d’un avortement non sécurisé chez la femme. Les hommes, eux, en plus d’être confrontés à un effondrement de la qualité de leur sperme comme ailleurs dans le monde, souffrent également d’IST, du stress, de la pollution, du tabagisme… Dans 20 % des cas, l’origine de l’infertilité demeure inconnue.

Malgré le tabou qui pèse toujours sur cette pathologie, une révolution médicale à bas bruit fait son chemin de Dakar à Kinshasa. Des dizaines de centres de procréation médicalement assistée (PMA) s’implantent depuis plusieurs années dans les zones urbaines.

« C’est une activité en plein essor, confirme l’Ivoirien Coulibaly Founzégué Amadou, à la tête du Groupe interafricain d’études, de recherches et d’application sur la fertilité (Gieraf), une société savante réunissant douze pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Rien qu’en Côte d’Ivoire, il existe cinq centres de PMA. Avant, ils ne pratiquaient que de simples inséminations. Désormais, certains proposent l’injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI), la forme la plus sophistiquée de PMA [un spermatozoïde est introduit de force dans un ovule, l’œuf obtenu est ensuite transféré dans l’utérus de la femme] ou même la GPA [gestation pour autrui]. »

 

« De la débrouillardise »

 

Gynécologue obstétricien formé en Russie et en France, Djédi Kaba Diakité affiche, dans sa clinique de Bamako, des taux de grossesse de 40 % pour les couples âgés de 25 à 35 ans, et jusqu’à 20 % pour les plus de 40 ans. Même si « environ 15 % de ces grossesses s’interrompent avant l’accouchement », précise le médecin, ces chiffres sont supérieurs à la moyenne européenne, estimée à 33 % de réussite, toutes tranches d’âge confondues. « Si, en Afrique, on parvient à atteindre ce taux, c’est aussi car les Africaines réclament le plus souvent le transfert de plusieurs embryons, jusqu’à trois parfois, explique le médecin. En Europe, c’est souvent un seul à la fois. »

De fait, jumeaux et triplés représentent un tiers des naissances au sein de son centre depuis la première FIV réalisée en 2010. Avec son équipe d’une cinquantaine de personnes, Djédi Kaba Diakité pratique également la ponction, la congélation et le stockage d’ovocytes et de spermatozoïdes, leur mise en culture puis le transfert d’embryons. Des procédures lourdes qui requièrent un matériel performant, coûteux. Et une bonne dose d’ingéniosité.

« La PMA au Mali, c’est de la débrouillardise, confie le gynécologue. Il faut tout importer. Pour les réactifs, je ne peux pas compter sur les sociétés de transport international, qui tardent à livrer. Je récupère des produits périmés ou abîmés. Je préfère m’acheter un billet pour Paris ou en payer un à des proches installés en France pour qu’ils viennent au Mali. Au moins, ils me livrent à temps mes réactifs. »

Pour équiper sa clinique, il a investi 300 000 euros dans un incubateur, un microscope à fort grossissement et des congélateurs importés de France. Chaque année, ce spécialiste de la chirurgie des trompes dépense également 50 000 euros en produits à usage unique tels que les seringues, les kits de conservation, les réactifs… « Nous utilisons du matériel équivalent à celui des pays du Nord. Or, nous les payons jusqu’à cinq fois plus cher à cause des coûts d’importation et des tarifs des revendeurs », souligne Coulibaly Founzégué Amadou, du Gieraf.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile