
Courrier international – En recevant, pour la première fois depuis 2011, le ministre des Affaires étrangères syrien à Riyad, les Saoudiens préparent la réintégration de Damas au sein de la Ligue arabe. Cela s’inscrit dans un contexte de rapprochement avec l’Iran, ancien grand rival régional. Autant d’initiatives diplomatiques qui enthousiasment la presse saoudienne.
“La paix globale”, promet l’éditorial du journal saoudien Al-Riyadh ce jeudi 13 avril, au lendemain d’une journée riche en avancées diplomatiques, signe d’une reconfiguration régionale qui avance à grands pas.
Mercredi 12 avril, une délégation venue de Téhéran était reçue à Riyad pour la réouverture de l’ambassade iranienne dans la capitale saoudienne, un événement qui était attendu depuis l’annonce d’un processus de rapprochement irano-saoudien, le 10 mars dernier. En parallèle, le ministre des Affaires étrangères syrien, Fayçal Al-Mokdad, était reçu par son homologue saoudien, Fayçal ben Farhan.
C’est la première visite d’un chef de la diplomatie syrienne en Arabie saoudite depuis 2011, début du soulèvement du peuple syrien contre le régime de Bachar El-Assad, suivie d’une violente répression s’étant muée en conflit meurtrier à ramifications régionales et internationales.
“Aider l’État syrien à déployer son pouvoir”
Riyad avait alors rompu ses relations diplomatiques avec Damas et œuvré à la chute du régime. Douze ans plus tard, les Saoudiens veulent “aider l’État syrien à déployer son emprise” sur l’ensemble du territoire syrien, proclame en une Asharq Al-Awsat, journal panarabe contrôlé par les Saoudiens.
Cette visite du chef de la diplomatie syrienne à Riyad a lieu à la veille d’une réunion prévue vendredi 14 avril, toujours dans la capitale saoudienne, de neuf pays arabes pour discuter d’une réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Les Saoudiens comptaient consacrer ce retour d’Assad dans le giron arabe lors d’un sommet de la Ligue prévu le 19 mai, explique le quotidien américain The Wall Street Journal.
Réticences persistantes
Or, ajoute le journal, “au moins cinq membres de la Ligue, dont le Maroc, le Koweït, le Qatar et le Yémen, refusent le retour de la Syrie”. Certains pays ont émis de nouvelles conditions, dont le “déploiement de troupes arabes en Syrie pour protéger les réfugiés de retour au pays”, ainsi que la fin de la production et de la contrebande de captagon – utilisé comme drogue et qui fait des ravages dans le Golfe – et une réduction de l’influence iranienne en Syrie.
Mais il s’agit aussi de revendications plus réalistes, explique encore le journal. Le Maroc, par exemple, exige la fin du soutien syrien au Front Polisario au Sahara occidental. Pour l’Égypte, il s’agirait surtout de ne pas se mettre en porte-à-faux avec les Américains, qui maintiennent la Syrie sous sanctions. Le gouvernement yéménite est trop dépendant des Saoudiens pour pouvoir réellement s’opposer à eux, et le Qatar et le Koweït n’auront pas assez de poids pour vraiment empêcher les autres pays d’aller au bout de leur démarche.
Réconciliation “historique”
Cette réhabilitation du régime de Damas s’inscrit dans le contexte d’un retournement tout aussi spectaculaire de la position des Saoudiens à l’égard de l’Iran. En 2017, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, avait qualifié le guide suprême, Ali Khamenei, de “nouveau Hitler” et avait publiquement souhaité une intervention militaire américaine pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.
Selon l’éditorialiste Samir Atallah, dans Asharq Al-Awsat, ce rapprochement irano-saoudien s’apparente à la réconciliation franco-allemande actée par le traité de l’Élysée en 1963, “qui mit fin aux pires guerres de l’histoire de l’Europe”.
Source : Courrier international
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