
The Conversation – Partout dans le monde, les autorités politiques ont longtemps détenu le monopole aussi bien des radios locales et nationales que des radios internationales, ce qui leur permettait de faire passer les messages souhaités à leurs propres populations, mais aussi à celles des pays étrangers vers lesquels leurs radios diffusaient.
Nos recherches récentes montrent que ce modèle ancien est désormais largement dépassé.
La désétatisation de la radio et son internationalisation grâce à sa numérisation/webification ont modifié les rapports de force communicationnels.
On distingue aujourd’hui trois types de radios de mobilisation. Les radios étatiques de mobilisation (REM) ont d’abord cédé du terrain face aux radios civiles de mobilisation) (RCM, lesquelles sont devenues, grâce à Internet, accessibles dans le monde entier, se muant donc en radios civiles de mobilisation internationales (RCMI). Ces trois types de radios cohabitent de nos jours dans un paysage médiatique qui n’a plus grand-chose à voir avec celui d’il y a une vingtaine d’années.
Les monopoles nationaux des radios étatiques de mobilisation (REM) durant les guerres internationales
La radio fut un enjeu politique dès l’origine : citons les causeries de Franklin D. Roosevelt, les radios « blanches » et « noires » durant la « drôle de guerre » – qui amorce la « guerre des ondes » –, les instructions aux résistants diffusées par « Radio Londres »…
Durant la guerre froide (et jusqu’à aujourd’hui pour certaines radios), les Alliés s’installèrent sur les ondes pour continuer leur travail hétéronomique (c’est-à-dire visant à imprégner les auditeurs de lois/normes politiques, sociales et culturelles). Par exemple, le gouvernement américain multiplia les stations : Voice of America, RIAS (Radio in the American Sector, principalement tournée vers l’Allemagne de l’Est), Radio Free Europe/Radio Liberté et Radio Free Asia, Azadi (destinée à l’Afghanistan) ou encore Farda (diffusant en farsi vers l’Iran)…

Selon la chercheuse Anne-Chantal Lepeuple, toutes ces radios visaient à favoriser la diffusion des idées libérales au sein des peuples des pays ciblés, en mettant en place une « politique d’érosion graduelle » des régimes en place.
Aujourd’hui, RFE/RL diffuse en 27 langues et dans 23 pays « où la liberté de la presse est menacée et où la désinformation est omniprésente ». Elle joue son rôle de « radio de substitution », selon l’expression de Jacques Sémelin désignant les radios qui se substituent aux radios locales et se distinguent des « radios de représentation » – celles qui promeuvent les États qui les financent, à l’instar de la BBC, de Deutsche Welle ou de RFI.
L’apparition des radios civiles de mobilisation après la fin des monopoles audiovisuels
La démonopolisation des REM européennes (au Royaume-Uni, en Italie, en France, en Belgique, etc.) les oblige désormais à coexister avec les radios civiles de mobilisation (RCM), même si l’action de ces dernières est souvent limitée à un rayon local.
Appuyées sur différentes stratégies, les RCM peuvent procéder à deux types de « radiophonie de proximité » :
- Les RCM « hétéronomes » (associatives, syndicales et politiques), se voulant parfois (contre-informationnelles), peuvent se faire polémiques, révolutionnaires (on pense aux cas de radios irlandaises, bolchéviques, cubaines, portugaises) et même génocidaires (comme dans le cas bien connu de Radio Mille Collines au Rwanda).Certaines menacent les pouvoirs en place, avec des conséquences directes pour leurs journalistes. Tout récemment, une journaliste franco-algérienne a dû fuir en Tunisie pour échapper à la prison, quelques semaines après la saisie de sa radio et l’arrestation de son fondateur. Un journaliste camerounais, qui dénonçait à l’antenne la corruption, a été retrouvé mort en janvier 2023, deux ans après le décès en détention d’un de ses confrères.
- D’autres RCM font de la radiophonie « autonome » : elles ne visent pas à convaincre les auditeurs d’adhérer à certaines valeurs ou idées mais à diffuser des informations intéressant des catégories spécifiques de la population. Il s’agit de stations communautaires (aussi bien diasporiques que religieuses ou linguistiques), mais aussi de stations locales (diffusant à l’échelle du quartier, de la ville ou de la région) et, également, de stations éducatives (qu’elles soient scolaires, étudiantes), culturelles, coopératrices ou interactives).Deux exemples de leur action, parmi tant d’autres : au Burkina Faso, ces RCM ont aidé à informer leurs auditeurs sur le Covid-19. En Afghanistan, une radio est utilisée dans sept provinces pour continuer à enseigner (en dari le matin, et en pachto l’après-midi) aux jeunes filles, alors qu’elles sont interdites d’école par les talibans.
La « webification» et l’apparition des radios civiles de mobilisation internationales
La webification a multiplié le nombre de radios internationales, car chaque radio en devient automatiquement une dès lors qu’elle est diffusée sur le web.
Source : The Conversation
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