Femmes migrantes en Afrique de l’Ouest : l’émancipation en marche ?

The Conversation  – La féminisation de la migration est l’une des grandes tendances du phénomène migratoire mondial et, notamment, africain : en 2020, les femmes représentaient 48,1 % du stock mondial de migrants et 47,1 % en Afrique.

 

Les mobilités féminines ouest-africaines restent pourtant faiblement étudiées, comparées aux mobilités masculines : les motivations des femmes de la région, leurs parcours, les résistances qu’elles rencontrent ou encore leurs réussites demeurent peu visibles. L’image de l’homme seul, migrant pour des raisons économiques ou politiques, continue d’être prégnante dans les représentations de la migration. Or, tendance de plus en plus affirmée, le projet migratoire féminin est marqué par un désir d’affirmation de soi, lequel se manifeste dans bien des domaines : les femmes d’Afrique de l’Ouest se montrent de plus en plus autonomes dans leurs décisions de travailler, d’étudier ou d’être cheffes de ménage.

Fondée sur des enquêtes conduites dans neuf pays, notre étude « Regard actuel sur les mobilités féminines transfrontalières ouest-africaines » s’intéresse à ces mobilités qui présentent des caractéristiques à la fois culturelles et socio-économiques spécifiques (en particulier au regard des inégalités femmes-hommes et des situations de vulnérabilités qui en découlent) et qui démontrent que les désirs d’émancipation transcendent les séculaires pesanteurs sociales.

 

Qui sont les migrantes ouest-africaines ?

 

Le travail de collecte de données quantitatives mené dans le cadre de cette étude a permis d’en savoir plus sur le profil sociodémographique des femmes migrantes en Afrique de l’Ouest, globalement peu documenté.

Les enquêtes ont été conduites dans neuf pays (Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad) avec pour cible 2 809 femmes ressortissantes de ces pays installées depuis au moins trois mois dans un autre de ces 9 pays. Le but de l’étude qualitative était d’enrichir la documentation statistique des mobilités féminines dans la sous-région.

On observe tout d’abord qu’elles sont jeunes : plus de 60 % des migrantes sont âgées de moins de 35 ans, même s’il existe des disparités (84 % parmi les migrantes se trouvant au Burkina Faso contre 46 % en Côte d’Ivoire).

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La proportion de femmes migrantes n’ayant reçu aucune éducation scolaire est partout importante. Il s’agit essentiellement de migrantes originaires de zones rurales et/ou d’espaces périphériques des pays d’origine, où les écoles font largement défaut. Par ailleurs, deux femmes sur trois se sont mariées avant leur départ, ce qui illustre le poids que font peser les représentations de la société d’origine sur leur liberté de mouvement.

Du côté des raisons de la migration, le regroupement familial reste le principal facteur de la mobilité féminine (39 %), mais ne doit pas masquer d’autres causes : la recherche de travail (30 %), les guerres civiles et crises sécuritaires (14 %) et les études (10 %).

Quant aux destinations, elles se situent à plus de 70 % dans la sous-région : la Côte d’Ivoire, le Niger et le Cameroun sont les principales destinations de proximité, grâce à la dispense de visa pour les ressortissants de la Cédéao, au coût limité de l’investissement en termes de transport et de proximité culturelle en matière de religion, de langues/dialectes ou de communautés/ethnies. Les 30 % restants se répartissent essentiellement sur des pays limitrophes à la zone de l’étude : Maroc et Algérie au Nord, Bénin et Togo sur le golfe de Guinée.

 

Les deux premières destinations migratoires par pays d’enquête. S. Rabier, Fourni par l’auteur 

Des mobilités déjà connues des théories des migrations

 

Outre la recherche rationnelle et individuelle de gains économiques, les déterminants collectifs de la mobilité (crises économiques, climatiques et sécuritaires), le poids des facteurs socio-historiques (les espaces francophones issus du fait colonial), l’importance du regroupement familial, l’étude évoque aussi des formes de mobilités féminines marquantes dans l’espace ouest-africain : le phénomène des « Petites bonnes » en Afrique et la migration prostitutionnelle initialisée par les migrantes en provenance du Ghana, du Nigéria, et du Togo, ainsi que des entrées en prostitution comme réponse à un échec personnel ou professionnel dans le pays d’arrivée.

 

 

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Source : The Conversation (Le 23 mars 2023)

 

 

 

 

 

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