Afrique XXI – Enquête · Près de six ans après la chute de Robert Mugabe, l’espoir est retombé. Dans un contexte économique difficile, toute voix discordante est réprimée, les cas de violence se multiplient à l’encontre des opposants, et le gouvernement ne s’en cache même plus.
Alors que dans d’autres pays les gouvernements sont tentés de dissimuler leurs tendances répressives avec des agents vêtus en civil ou encore des véhicules banalisés, les autorités zimbabwéennes revendiquent fièrement, quant à elles, la répression dirigée contre ce qu’elles appellent les « pommes pourries ». Les porte-parole du parti au pouvoir depuis l’indépendance, la ZANU–PF (Zimbabwe African National Union-Patriotic Front), et les responsables politiques imputent tous les maux du pays, y compris les violations des droits de l’homme commises par l’État, aux actions de ces « agents de l’Occident ». À en juger par les données fournies par les organisations zimbabwéennes de défense des droits de l’homme, ces « agents » semblent être très nombreux… Le nombre de cas d’agressions et d’intimidations commises par des groupes de partisans de la ZANU–PF à l’encontre de candidats de l’opposition ou de militants locaux s’élève à près de 2 000 pour la seule année 2022.
Des membres du parti au pouvoir déclarent ouvertement que toutes les mesures prises à l’encontre de ces personnes sont justifiées. En novembre 2022, le ministre du Logement, Daniel Garwe, a été filmé en train de dire que la ZANU–PF « possède » le système judiciaire et les forces de sécurité et que le parti au pouvoir et ses partisans feront « tout » pour assurer la réélection du président Emmerson Mnangagwa lors de la prochaine élection présidentielle (prévue en juillet 2023). À en juger par l’augmentation constante du nombre d’arrestations et de détentions d’opposants, et plus encore par la hausse soudaine et spectaculaire des cas d’intimidations, d’agressions et même de meurtres par des partisans du parti au pouvoir, sa déclaration illustre parfaitement la réalité actuelle.
Selon les dirigeants du Zimbabwe, la répression des personnes décrites par Patrick Chinamasa, porte-parole en exercice de la ZANU–PF, comme des « hooligans et des voyous à gages », est tout simplement la bonne chose à faire. Tous ceux qui parlent au nom de l’État s’empressent d’expliquer que tout irait bien dans le pays s’il n’y avait pas l’ingérence incessante des agents impérialistes, ni la série de sanctions occidentales qui touchent le pays depuis les années Mugabe.
Fuite des cerveaux
L’élite zimbabwéenne pointe régulièrement du doigt ces sanctions – qui ciblent la fortune, les voyages et les affaires d’un petit cercle de dirigeants politiques –, présentées comme étant à l’origine de l’augmentation de la pauvreté et du délabrement des services publics, et notamment du secteur des soins de santé, qui, autrefois réputé, est désormais en ruine. Le ministre de la Justice, Ziyambi Ziyambi, a même imputé aux sanctions les attaques de l’État contre ses opposants. « Il sera difficile de respecter les droits des personnes tant que les sanctions perdureront », a-t-il déclaré en août 2019, lors du lancement d’une campagne de lutte contre la corruption parrainée par l’Union européenne (UE). Trois ans plus tard, lors d’un discours devant le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, le 18 août 2022, M. Ziyambi a réitéré son accusation selon laquelle les sanctions occidentales « empêchent le gouvernement d’assurer la pleine protection et la promotion des droits de l’homme ».
Les membres de l’opposition et les militants de la société civile rejettent depuis longtemps ce discours. En faisant circuler des photos de produits zimbabwéens vendus dans des magasins européens – qui montrent que les sanctions n’affectent pas le commerce ni les revenus des exportations – ainsi que des cliniques en ruine ou encore les voitures de luxe de l’élite, ils soutiennent que ce ne sont pas les sanctions, mais la mauvaise gestion et la corruption qui sont les causes du mauvais état du pays.
Le coup d’État du 14 novembre 2017, orchestré par l’ancien vice-président et ministre de la Défense de Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, avec l’aide de l’armée, avait d’abord été accueilli avec prudence au Zimbabwe et à l’étranger, malgré les promesses du nouveau venu quant à la bonne gouvernance. Le 18 novembre, quatre jours après le coup d’État, l’agence Reuters faisait encore état de foules « débordant de confiance » et de « scènes de liesse jubilatoire ».
Mais il est vite apparu que la gouvernance ne s’améliorait pas. Plusieurs scandales de contrebande de minerais ont fait la une des journaux, entachant l’image des dirigeants du parti et de l’armée. Pendant ce temps, pour les citoyens ordinaires, le coût de la vie a continué de grimper en flèche, et beaucoup ont fait le choix déchirant d’émigrer. Certains partent se faire soigner en Afrique du Sud voisine ou ailleurs, tandis que d’autres se joignent à la colossale fuite des cerveaux qui vide le pays de son personnel médical. Bien éduqués et parlant anglais, les Zimbabwéens sont courtisés par des pays plus riches, alors même qu’ils sont ignorés chez eux. On estime qu’un tiers des Zimbabwéens vivent désormais à l’étranger.
Brezh Malaba a édité les plus grands journaux du Zimbabwe. En 2021, il a cofondé The NewsHawks
Source : Afrique XXI
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com