« Le défi des plates-formes de streaming : séduire et faire payer un public jeune aujourd’hui attiré par TikTok »

Devenues incontournables dans le paysage culturel mondial, les entreprises telles que Netflix ou Spotify restent en quête d’un modèle économique durable. Peu ou pas rentables, elles doivent faire face au vieillissement de leurs abonnés, analyse Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », dans sa chronique.

Le Monde  – Sans rien demander, les plates-formes de streaming ont tapé l’incruste lors de la cérémonie des Césars. C’est Jamel Debbouze, en ouvrant la fiesta, le 24 février, qui a évoqué le frère ennemi du cinéma : « Pour 9 euros par mois, tu as un accès illimité à de très bons films, tu as des acteurs incroyables, tu peux mettre sur pause et aller chercher un yaourt. » Sa conclusion ? « Les bâtards… Cette offre est exceptionnelle et on est dans la merde. »

L’humoriste et comédien prenait un malin plaisir à évoquer un danger invisible, alors qu’une bonne partie de la salle de l’Olympia avait sans doute déjà travaillé dans des films ou séries pour Netflix, Amazon Prime, Apple TV, OCS… Ou projetait de le faire. Même chose pour la musique, avec Spotify, Deezer, Apple Music… On n’entend quasiment plus personne dire que les plates-formes du streaming payant sont des ennemis de la culture – hormis Amazon, prédateur de librairies –, mais plutôt des membres de la famille, qu’il faut certes réguler.

Les plates-formes musicales comme audiovisuelles sont au cœur d’un système où tout le monde se tient et où beaucoup y gagnent, et d’abord le public, expliquent les universitaires Olivier Thuillas et Louis Wiart, dans Les Plateformes à la conquête des industries culturelles (PUG, 168 pages, 20 euros). Jamel Debbouze a raison sur ce point : un mois d’accès à Netflix ne coûte pas plus cher qu’une place de cinéma, un mois de musique chez Spotify est moins cher qu’un CD. Plus personne ne s’en étonne. La comparaison est stupide ? Allez l’expliquer au public.

 

Et puis, à moins de fermer Internet, les plates-formes payantes sont la meilleure riposte au piratage, au téléchargement illégal et à la culture bien ancrée de la gratuité. Si le marché de la musique a perdu la moitié de son chiffre d’affaires en vingt ans, tombant de 1,5 milliard d’euros en 2002 à 766 millions en 2022, les trois quarts de l’argent proviennent d’abonnements numériques, le reste se répartissant entre les CD (à la baisse) et le vinyle (à la hausse). Même chose pour les films et les séries, où la part des Français friands de vidéo à la demande a bondi de 33 % à 50 % en quatre ans à peine.

Suppressions de postes

La question qui se pose à propos des plates-formes payantes ne concerne pas tant leur existence que leur modèle. Vu comme ça, le paysage est moins riant. Le fait qu’elles soient quasiment toutes déficitaires interroge. Le suédois Spotify domine largement le streaming musical dans le monde. En 2023, il comptera plus de 500 millions d’utilisateurs, dont près de la moitié paient, mais il ne cesse de perdre de l’argent depuis sa création, il y a quinze ans : 430 millions de dollars en 2022. Six cents suppressions d’emplois ont été annoncées en janvier.

La principale raison est que Spotify doit reverser près des trois quarts de ses gains aux producteurs de musique ou organismes de gestions de droit. Le pourcentage interdit quasiment tout bénéfice. Les trois mastodontes du disque (Universal, Warner et Sony) sont donc les principaux bénéficiaires, leurs stars aussi, le gros des musiciens pas du tout, mais comme le public s’y retrouve…

Le résultat est le même pour les plates-formes audiovisuelles. Elles sont si nombreuses, la concurrence est si féroce, les coûts de production si élevés que la rentabilité est rarissime.

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Source : Le Monde

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