France – Punir un enfant en l’isolant dans sa chambre est « très efficace pour le “dresser”, pas pour l’“éduquer” »

Le philosophe Pierre Vesperini récuse, dans une tribune au « Monde », la méthode du « Time Out », consistant à mettre à l’écart l’enfant pour un temps limité, prônée par la psychologue Caroline Goldman, et estime que c’est un retour à la psychologie « béhavioriste ».

Le Monde  – Voici donc la nouvelle panacée : enfermer les enfants dans leur chambre. Les isoler en tout cas, les exclure. C’est le « Time Out » [pratique qui consiste à mettre à l’écart l’enfant (généralement dans sa chambre), pour un temps limité]. « Pas plus de deux minutes à 1 an ou 2 ans », explique au Monde la psychologue Caroline Goldman, puis la peine devient « proportionnel[le] à la transgression de l’enfant ».

 

 

La campagne contre l’éducation positive portée en France par la presse de droite, du Figaro au Point, obtient maintenant les honneurs du Monde, à la faveur d’un entretien qui figure depuis hier en tête des « articles les plus lus ».

Impact neurologique

Contrairement à ce qu’affirme Mme Goldman, la méthode du « Time Out » est loin de « fai[re] l’objet d’un consensus scientifique international ». Une recherche parue en 2022 dans Pediatric Reports, qui comparait empiriquement les deux approches éducatives, concluait justement à l’inefficacité du « Time Out » et à l’efficacité de l’éducation positive.

De même, contrairement à ce qu’elle affirmait au Figaro, il est simplement faux d’affirmer qu’« aucune étude scientifique ne décrit comme nocif le fait d’envoyer un enfant dans sa chambre » : une étude parue dès 2000 dans le Journal of Research in Childhood Education, intitulée « Young Children’s Perceptions of Time Out », en faisait par exemple la démonstration. On pourra également trouver l’écho de la préoccupation de nombreux chercheurs et psychologues, notamment quant à l’impact neurologique du « Time Out », dans le magazine Time ou le Washington Post.

 

Bref, le « Time Out » est tout sauf « l’objet d’un consensus scientifique international ». Qu’on me permette d’exprimer ici, en tant que parent, en tant que citoyen et en tant que philosophe, la très vive inquiétude que suscite en moi ce discours.

Les enfants, pour être heureux (car on semble avoir oublié que leurs troubles sont toujours les symptômes d’un mal-être), ont besoin de cinq ressources dont leurs parents manquent de plus en plus cruellement, en raison des conditions de vie qui leur sont faites dans un système économique et social toujours plus maltraitant. Ces cinq ressources sont le temps, l’espace, le sommeil, l’attention et l’amour. Des parents constamment stressés et épuisés font des enfants malheureux, donc de plus en plus susceptibles de troubles du comportement.

Un monde de plus en plus violent

Ce monde qui entoure les enfants est aussi un monde où, très tôt, ils sont projetés dans le monde des écrans et des réseaux sociaux. Les chiffres sont effrayants. Les très graves problèmes d’attention constatés par tous les éducateurs viennent de là.

Le monde que rencontrent les enfants est aussi un monde de plus en plus violent. Ils le découvrent à l’école (quand ce n’est pas le cas dès le foyer familial). Les journaux, nos collègues, voisins ou amis nous parlent quotidiennement de cas de harcèlement, de « bullying », qui conduisent maintenant régulièrement certains enfants et adolescents à des gestes désespérés. Le monde où vivent les enfants est aussi un monde qui sort d’une pandémie dont les conséquences psychiques sur tant d’enfants et d’adolescents ont été terribles.

Face à cette situation, l’Etat n’a qu’une réponse : diminuer le budget de la protection maternelle et infantile (PMI), fermer des classes, supprimer des lits d’hôpitaux en pédiatrie et pédopsychiatrie, couper les subventions aux associations, supprimer des postes, etc. Avec cette baisse continuelle des moyens, la maltraitance augmente, et avec elle augmente ce que tout récemment la Défenseure des droits n’hésitait pas à qualifier de « mal-être structurel » des enfants, en dénonçant clairement la responsabilité des politiques publiques dans cette situation.

Inquiétude, donc, de voir une psychologue reconnue faire totalement abstraction de ce contexte exorbitant – rien que le monde en somme ! – pour ridiculiser les enfants (« On ne parle pas d’un enfant polytraumatisé qui a vécu la guerre, on parle d’Eliott qui est en colère parce qu’il a moins de petits pois dans son assiette que son frère ») et les accabler d’une double peine : non seulement leur souffrance est déniée, mais il faut maintenant les punir pour « leur apprendre ».

« L’exclusion ne se passe pas “très tranquillement”. Elle s’accompagne alors de contrainte physique exercée sur l’enfant, donc de violence »

 

Cette « exclusion menée très tranquillement » nous ramène au bon vieux temps de la psychologie « béhavioriste », où l’animal humain était vu comme une espèce de machinerie répondant uniquement à des stimulus de punition/récompense. Le « retrait d’amour » institué par l’exclusion (rien de plus terrifiant pour un enfant) est en effet très efficace pour « dresser » un enfant : mais pas pour l’« éduquer ». Vous aurez un bel automate, vous n’aurez pas un être humain.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

 

 

Suggestion kassataya.com :

Caroline Goldman, psychologue : « J’ai vu arriver dans mon cabinet des parents sains et structurés, victimes de désinformation sur la parentalité positive »

 

 

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile