Etats-Unis : la vidéo de l’interpellation fatale de Tyre Nichols relance le débat sur les violences policières

Le Monde  – Dans la soirée du 7 janvier, cet Afro-Américain de 29 ans a été passé à tabac par des policiers de Memphis après avoir été arrêté pour une infraction routière. Il est mort trois jours plus tard. Les images de son tabassage ont été rendues publiques vendredi soir.

 

« Maman, maman… » Tyre Nichols a appelé sa mère dans un râle désespéré et aigu. Ce jeune père de famille afro-américain de 29 ans a été tabassé avec acharnement par des policiers de Memphis (Tennessee), dans la soirée du 7 janvier, alors qu’il rentrait chez lui en voiture. Il est mort trois jours plus tard à l’hôpital, des suites de ses blessures.

Vendredi 27 janvier, les autorités locales ont publié un long montage de plusieurs séquences vidéo montrant l’interpellation dans sa quasi-intégralité, diffusant une onde de choc dans la ville et mobilisant l’ensemble des chaînes nationales.

Deux incidents séparés ont eu lieu, documentés à la fois par une caméra piéton portée par un policier et par des images de vidéosurveillance. Au cours du premier, Tyre Nichols subit une tentative d’immobilisation bâclée après avoir été extrait de son véhicule, sans résistance, avec une disproportion totale de gestes violents et maintes invectives. « Je veux juste rentrer à la maison… » Effrayé, il parvient à s’échapper à pied.

Il est retrouvé dans un deuxième emplacement, une rue déserte, aux environs de 20 h 30. Tenue d’abord par deux policiers, la victime est aspergée de gaz lacrymogène, encaisse des coups de pied et de poing, puis de matraque télescopique. Il est relevé pour être frappé à la tête. Puis Tyre Nichols reste menotté au sol, en position allongée, traîné au sol jusqu’à une voiture. Les minutes défilent. Presque aussi choquant que les violences, c’est l’indifférence des policiers à la victime en détresse, sa déshumanisation, qui saisit.

Impunité de certains services de police

 

Bien que remis en liberté, les cinq policiers noirs en cause ont été licenciés et inculpés pour des chefs d’une extrême gravité : notamment meurtre, agression avec circonstances aggravantes et kidnapping. « Ils sont tous responsables », a déclaré le procureur local, Steve Mulroy, même si leur rôle précis dans le tabassage a varié. « Où était leur humanité ? Ils ont battu mon fils comme une piñata », a dit sa mère éplorée, RowVaughn Wells, sur la chaîne CNN, en référence à l’objet décoré plein de bonbons et de jouets que des enfants éclatent à coups de bâton pour récupérer son contenu dans la tradition mexicaine. Tyre Nichols faisait beaucoup de skateboard et aimait la photographie.

Les autorités ont décidé de ne diffuser la vidéo que vendredi soir à 19 heures, créant ainsi une sorte de décompte lugubre sur les chaînes info. La cheffe de la police municipale, Cerelyn Davis, a expliqué qu’en ce début de soirée, les commerces seraient fermés et les enfants de retour à la maison, en sécurité. C’est dire le pessimisme qui régnait concernant l’impact des images ahurissantes. Celles-ci ont aussi justifié la rapidité des sanctions contre les coupables, qui appartenaient à une équipe Scorpion, un acronyme désignant des unités chargées de la délinquance du quotidien.

Les représentants de la communauté noire locale affirment que ce même groupe est coutumier des abus verbaux et physiques. Ce crime n’a pas de dimension raciale claire, mais il renvoie à l’impunité qui ronge certains services, au-delà de dérives individuelles hélas classiques. « Dénoncez cette culture ! Dénoncez cette culture ! », lançait, vendredi, l’avocat Ben Crump au nom de la famille de la victime, qui réclame le démantèlement de Scorpion au sein de la police municipale, qui compte environ 1 900 personnes.

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