
Seneplus – Sauf miracle divin, la confrontation est inévitable. Comme deux trains à grande vitesse (Tgv) fonçant l’un vers l’autre sur la même voie et ne pouvant plus freiner, on imagine le choc, terrible, dans un effroyable froissement de tôles tordues et entrelacées, les corps déchiquetés, les cris stridents d’épouvante. Rails arrachés, lambeaux de chair éparpillés à des centaines de mètres à la ronde. Encore une fois, l’horreur dans ce qu’elle a de plus effrayant, de plus nauséeux, de plus terrifiant. Le plus terrible, c’est qu’à l’allure où étaient lancés ces deux trains, aucune force ne pouvait s’interposer entre eux au risque d’être transformée en pâtée. Bref, l’horreur absolue.
De la même manière que le choc entre ces deux Tgv l’était, on peut dire que l’affrontement entre le président de la République, Macky Sall, et son principal opposant, Ousmane Sonko, est inévitable. Sauf intercession divine. Aujourd’hui, la haine entre les deux hommes est si tenace et l’enjeu de pouvoir à ce point âpre, le contentieux à ce point inextricable, que les meilleurs diplomates du monde s’y casseraient la gueule assurément.
Les Sénégalais assistent, impuissants, à la chronique d’un combat mortel annoncé. L’envie d’en découdre est telle des deux côtés que même les messagers de la paix qui se hasarderaient à prôner l’apaisement sont sommés de s’occuper de leurs propres oignons et de se mêler de ce qui les regarde à l’image de ce pauvre Alioune Tine, un des vétérans des droits de l’homme dans notre pays, dont le message d’apaisement est pourtant lucide et plein de sagesse !
Mais voilà, du côté du pouvoir surtout, on ne veut pas entendre parler d’autre chose que d’un procès du principal opposant du moment, Ousmane Sonko, pieds et poings liés et conduit vers l’abattoir des égorgeurs judiciaires. Des égorgeurs aux couteaux encore tâchés du sang de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall dont les têtes ont été coupées pour avoir constitué des obstacles à la réélection de l’actuel président de la République !
Et voilà que, comme avec l’Hydre de Lerne, ce monstre fabuleux dont les têtes repoussaient aussitôt coupées et qu’avait dû affronter Hercule dans le cadre de ses douze travaux, repousse donc une autre tête dans notre pays sur le chemin non pas d’un deuxième, mais d’un impossible troisième mandat !
Quoi, une tête qui se dresse en travers de ce troisième mandat, pardon deuxième quinquennat ? Egorgeurs judiciaires, à vos couteaux ! Euh, l’ennui c’est que le gibier humain, à force de se débattre, s’est défait de ses liens et refuse de se laisser conduire docilement à l’abattoir. Pis, ce forcené, à force de gesticuler et de se battre, pourrait arracher les couteaux des mains de ses bourreaux ets’en servir pour menacer leur commanditaire !
Qui veut noyer son chien l’accuse de rage et après l’enrichissement illicite et l’escroquerie aux deniers publics ayant servi de prétextes à la décapitation des deux « K », le viol est le motif tout trouvé pour se débarrasser du dangereux opposant Ousmane Sonko, plus grand empêcheur d’obtention d’un troisième mandat. Pour ce faire, monter en épingle une minable accusation de viol portée par une jeune dame fieffée menteuse et livrer l’accusé aux égorgeurs! Sauf que tout ne se passe pas comme prévu…
Il n’empêche, le pouvoir se dit déterminé à aller jusqu’au bout pour faire « juger »Ousmane Sonko etrendre justice à une malheureuse jeune orpheline qui aurait subi plusieurs fois ( !!!) et sans être consentante les assauts d’un obsédé sexuel, mauvais mari —et pour ces raisons disqualifié à diriger ce cher pays qu’on ne saurait laisser entre les mains d’aventuriers. C’est du moins ce que soutiennent les partisans de ce pouvoir.
Quel que soit le coût matériel, financier mais surtout humain, qu’importe il faut que ce « violeur » soit jugé pour l’honneur de cette pauvre petite masseuse ! Snif, sortons nos mouchoirs…Et qu’importe si ce procès qui pue le complot politique à mille lieues embrase le pays, qu’importe s’il devait y avoir un tapis de cadavres sur le sol, ce procès se tiendra.
L’Etat est déterminé à juger Ousmane Sonko et un Etat, il peut tout. Vous voulez rééditer les manifestations de mars 2021 ? Allez-y donc, on vous attend de pied ferme les gars ! La première fois, vous nous aviez pris par traitrise mais, promis-juré, si vous vous avisez à vous opposer à un procès de Sonko, on va vous ratatiner et les morts d’il y a deux ans seront de la gnognote face à la charcuterie qu’on va faire de vous. Là, nous sommes prêts et impatients d’en découdre : nous avons reçu des chars, des lacrymogènes, des canons à eau et autres instruments en provenance de Chine, de Turquie et d’Israël, avons suréquipé la police et la gendarmerie et battu le rappel des réservistes de ces deux corps tout en procédant à de nouveaux recrutements. Nous ne vous dirons pas si nous avons organisé des milices dans les quartiers mais toujours est-il que quiconque d’entre vous bougera est un homme mort. Bref, le pouvoir a pris toutes ses dispositions pour juger Ousmane Sonko.
« Mortal Kombat »
En face, on trouve des milliers de jeunes surdéterminés qui disent ne pas craindre la mort et se rêvent même en martyrs. Pour eux, quitte à mourir vaut mieux que ce soit pour leur espoir, leur guide, leur marabout Ousmane Sonko plutôt que de crever de faim et de soif dans le désert du Sahara ou de se noyer dans les eaux de la Méditerranée en tentant de joindre l’eldorado européen. Qui remportera cette confrontation inévitable ? Le président Macky Sall et sa soldatesque ou bien Ousmane Sonko et ses fédayins ? Nul ne saurait le dire. La seule certitude c’est que, si les forces de répression pouvaient empêcher un tyran de tomber, Zine-el-Abidine Ben Aly, Hosni Moubarak et le colonel Kadhafi seraient encore au pouvoir sauf à mourir de mort naturelle. Pour ne parler que du continent africain. Car un grain de sable peut toujours gripper la mécanique répressive la plus sophistiquée.
Mamadou Oumar Ndiaye
Source : Hebdomadaire Le Témoin Via Seneplus
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