Affaire Miss Sénégal : le verdict d’un classement sans suite ne passe pas

En novembre 2020, Ndèye Fatima Dione, Miss Sénégal 2020, avait affirmé avoir été violée peu après son élection.

Le Monde – L’affaire Miss Sénégal vient de connaître son épilogue, plus d’un an après les faits. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la décision de justice crée de sérieux remous parmi les organisations de défense des droits des femmes. Le juge d’instruction a classé sans suite, vendredi 20 janvier, les plaintes pour « viol et apologie du viol » émises à l’encontre d’Amina Badiane, présidente du comité Miss Sénégal.

 

La féministe Mariama Kébé, dite « Mamico », ainsi que l’acteur Kader Gadji sont en revanche poursuivis pour « diffamation et injures publiques » à la suite d’échanges sur les réseaux sociaux au cours desquels des injures ont été proférées contre Mme Badiane. Mme Kébé et M. Gadji s’étaient constitués parties civiles peu après que Ndèye Fatima Diome, Miss Sénégal 2020, affirmait fin novembre 2020 avoir été violée lors d’un voyage organisé par le comité du concours de beauté. Suite à cette agression, elle rapportait s’être retrouvée enceinte.

 

L’affaire avait de nouveau suscité la polémique lorsqu’Amina Badiane avait déclaré quelques jours plus tard : « Si on te viole, c’est que tu l’as bien cherché. » Une sortie brutale qui avait provoqué de vives réactions de la part d’associations féministes. Une pétition lancée par la plate-forme Ladies Club avait recueilli plus de 60 000 signatures pour demander « le retrait immédiat de la licence d’exploitation et la dissolution de ce comité qui fait clairement, par la voix de sa présidente, l’apologie du viol ».

 

Un verdict décevant

 

A l’annonce du verdict, le collectif des féministes du Sénégal s’est dit étonné par ce dénouement, rappelant que plus de 300 plaintes avaient été déposées auprès du procureur suite aux propos de l’organisatrice. « Ces paroles étaient très graves et nous attendions beaucoup plus de rigueur de la part de la justice sénégalaise. Si on ne fait pas attention, le Sénégal risque d’avoir l’étiquette d’un pays qui ne sanctionne pas vraiment le viol et banalise la culture du viol », souligne Wasso Tounkara, membre du collectif. Mais face aux refus de Ndèye Fatima Dione de répondre aux convocations judiciaires et faute de preuves supplémentaires, le juge a été contraint de clôturer le dossier vendredi 20 janvier.

Le collectif entend cependant demander une enquête sur la gestion du comité Miss Sénégal qu’il juge « très problématique ». En effet, après le témoignage de Ndèye Fatima Dione, d’autres participantes au concours de beauté avaient également rapporté sur les réseaux sociaux des faits d’agressions sexuelles.

De son côté, Amina Badiane se dit « soulagée que cette affaire sordide soit terminée » et que « le comité soit blanchi ». Elle compte reprendre son activité mise sur pause pendant un an et appelle l’Etat à « institutionnaliser ce concours de Miss Sénégal ».

 

Culture du viol

 

Si « de plus en plus de personnes dénoncent les agressions sexuelles, cela grâce aux actions menées sur le terrain » comme le rapporte Madjiguene Sarr Bakhoum, chargée de communication à l’Association des juristes sénégalaises (AJS), les obstacles persistent. Le parcours pour les femmes victimes d’agressions sexuelles désireuses de porter plainte reste compliqué et éprouvant. « Porter plainte au Sénégal est très difficile. Il y a toujours une campagne de dénigrement pour discréditer la parole de la femme et la rendre responsable. Le poids de la famille pèse aussi lourdement sur la décision des femmes », détaille Wasso Tounkara.

Lire la suite

 

Source : Le Monde  (Le 25 janvier 2023)
 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile