“Le gouvernement s’engage à évaluer au niveau interministériel et au niveau des gouverneurs de région et du district de Bamako les effets de la décision sur les populations, afin de prendre les dispositions nécessaires pour les accompagner”, promet-on dans le communiqué du Conseil des ministres.

 

Résilience et résignation

 

Redoutée par les agents des ONG soucieux de leurs emplois, la question des conséquences sur les populations se pose également. “Pour le cas spécifique du pays dogon [région de Mopti], l’insécurité a fait que les ONG ont quitté la zone il y a plus de cinq ans. Donc la population s’est déjà adaptée à l’absence d’ONG et de projets financés par tous les pays. En tant que ressortissant de la zone, ce dont je suis au courant c’est que le financement français en pays dogon est en bonne partie un financement privé. Des ONG françaises financées par des fonds publics y sont, mais ce sont surtout les initiatives privées d’associations françaises qui sont le plus nombreuses. Je pense que cette décision de l’État ne concerne pas ces financements privés”, explique Adama Diongo.

De même que lui, Djibrilla Abdoulaye, acteur de la société civile de Gao, estime que depuis 2012 “les gens du Nord ont adopté une résilience face à la souffrance. Ce sont les autres qui crient toujours devant le moindre effet. J’ai vu récemment les Bamakois se plaindre du prix du carburant, qui avait atteint 800 francs [1,22 euro]. Au même moment, on l’achetait à 1 000 francs [1,53 euro] ici, à Gao, sans faire trop de bruit”, dit-il.

Ces propos sont appuyés par l’agent d’AVSF qui insinue, en outre, que la suspension de l’aide française aura plus de poids sur les acteurs politiques et humanitaires que sur les plus vulnérables. Et pour cause : “Une grande partie des actions destinées aux plus vulnérables sont détournées par certains acteurs humanitaires. Malheureusement, ce sont des miettes qui arrivent à ces pauvres. À regarder le mode de vie richissime de certains de nos amis humanitaires, on voit bien cette dimension de détournements. Dans ce lot, on a malheureusement aussi certains élus, des notables et l’administration”, assure-t-il.

Un autre aspect tendant à minimiser l’impact de l’arrêt de l’aide française est que plusieurs ONG bénéficiant de l’appui de fonds publics français disposent d’autres sources de financements. Ce qui leur permettra de continuer à exercer sur le sol malien. Comme c’est le cas de l’ONG Médecins du monde Belgique, qui, après avoir suspendu ses activités le 22 novembre, “par mesure conservatoire vu qu’elle était bénéficiaire d’un financement français”, a annoncé, via une lettre au gouverneur de la région de Gao [adressée] le 24 novembre, vouloir reprendre ses activités dans la région sans financement français.

“Les vrais perdants, [ce sera] nous, les Maliens qui évoluons dans les ONG 100 % financées par l’AFD et qui nous retrouverons sans doute très prochainement au chômage. Reste à voir comment le gouvernement compte compenser cela”, se questionne l’agent d’AVSF.