La Coupe du monde au Qatar, le match ­perdu d’avance des ­journalistes israéliens

Les reporters originaires de l’Etat hébreu venus couvrir la compétition sont quasi systématiquement ignorés, voire pris à partie, par des supporteurs arabes, toujours très attachés à la cause palestinienne.

M le Mag – La scène se déroule au Qatar, un soir, en marge de la Coupe du monde de football. Des supporteurs marocains, tout sourire, brandissent des écharpes aux couleurs de leur pays devant une équipe de reporters étrangers.

« Nous sommes d’Israël », lance l’un des journalistes, hors champ sur la vidéo, partagée sur les réseaux sociaux. Instantanément, les Marocains rangent leur attirail et passent leur chemin. « Mais, nous sommes de nouveaux amis, nous avons fait la paix », proteste le journaliste en référence à l’accord de reconnaissance diplomatique conclu entre son pays et le royaume chérifien en décembre 2020. « Non à Israël, oui aux Palestiniens », rétorque l’un des fans en s’éloignant tandis que l’Israélien s’entête, incrédule : « Mais vous avez signé la paix, vous avez signé la paix… »

« Seuls 10 % des Arabes que j’approche se montrent coopératifs. Le reste du temps, quand ils comprennent d’où je viens, ils se détournent de moi. La plupart se contentent de s’enfuir comme si j’avais la peste. » Moav Vardi, correspondant diplomatique de KAN, groupe audiovisuel public israélien

La mésaventure vécue ce soir-là par Raz Shechnik, envoyé ­spécial à Doha du quotidien Yediot Ahoronoth, le plus gros tirage de la presse payante de l’Etat hébreu, n’est pas un cas isolé. Alors qu’il n’entretient pas de relations officielles avec Israël, contrairement à ses voisins du Bahreïn et des Emirats arabes unis, qui ont franchi le pas de la reconnaissance quelques mois avant le Maroc, le Qatar a ouvert ses frontières aux journalistes israéliens désireux de couvrir le Mondial. Une concession imposée par les règles de la FIFA conduisant, grande première, à la mise en place d’une liaison aérienne ­temporaire entre Tel-Aviv et Doha.

Mais, sur place, les équipes israéliennes, qui s’attendaient à ce que la dynamique de normalisation en cours entre leur nation et plusieurs Etats arabes facilite leur travail, ont très vite déchanté. Depuis le début de la compétition, ils se heurtent de manière quasi systématique au refus des supporteurs arabes de leur parler, en signe de solidarité avec les Palestiniens. Ce dur retour à la réalité rappelle que cette cause demeure un élément structurant de l’identité arabe et illustre le décalage entre les dirigeants, non élus pour la plupart, et leur peuple.

« Seuls 10 % des Arabes que j’approche se montrent coopératifs, témoigne Moav Vardi, le correspondant diplomatique de KAN, groupe audiovisuel public israélien, interrogé par M Le magazine du Monde. Le reste du temps, quand ils comprennent d’où je viens, ils se détournent de moi. La plupart se contentent de s’enfuir comme si j’avais la peste. Dans quelques cas, les refus s’accompagnent d’attaques verbales. » Une scène, également postée sur les réseaux sociaux, montre un supporteur saoudien lui déclarer : « Il n’y a pas d’Israël, il n’y a que la Palestine, vous n’êtes pas le bienvenu ici. »

 

« Le Mondial de la haine »

 

Raz Shechnik a publié une longue suite de tweets dans lequels il s’indigne des « regards haineux » des fans arabes qu’il a essayé d’aborder. Pour parvenir à ses fins, le journaliste a tenté de se faire passer pour un Equatorien. En vain. La communauté palestinienne, importante au Qatar, a fait circuler sur Internet des photos des logos des principaux médias israéliens, enjoignant tous les Arabes présents dans l’émirat à ignorer les reporters munis d’équipements arborant ces sigles. Des militants antinormalisation se sont même fait une spécialité de perturber les interviews réalisées par ces journalistes, en criant « Free Palestine » en arrière-plan.

Ces déboires ont vite fait la « une » de la presse israélienne. « Le Mondial de la haine », a titré Yediot Aharonoth. « Le problème de ces supporteurs arabes, ce n’est pas l’occupation de la Cisjordanie, c’est l’existence même d’Israël, en tant qu’Etat souverain sur cette terre, soutient Moav Vardi. Ils n’acceptent pas notre légitimité, ils nous voient comme un monstre. Cet épisode fait l’affaire de l’extrême droite israélienne, qui prétend qu’il n’est pas utile de mettre un terme à l’occupation, parce que, quoi que l’on fasse, les Arabes nous haïront toujours. »

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Source : M le Mag Le Monde 

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