Le monde se dirige vers un réchauffement « catastrophique » de 2,5 °C à la fin du siècle

Les progrès entraînés par les nouveaux plans adoptés en 2022 sont « terriblement insuffisants », dit le Programme des Nations unies pour l’environnement, qui conclut à « une année gâchée ».

 Le Monde  – C’est un nouvel avertissement pour les gouvernements, à dix jours de la conférence mondiale sur le climat (COP27), qui se tiendra du 6 au 18 novembre à Charm-El-Cheikh, en Egypte.

Malgré des progrès, la communauté internationale reste très loin des objectifs de l’accord de Paris et ne parvient toujours pas à tracer un chemin « crédible » pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C − la cible la plus ambitieuse du traité international, destinée à éviter un climat incontrôlé. Les engagements climatiques pris par les Etats mettent au contraire la planète sur une trajectoire de réchauffement de 2,5 °C à la fin du siècle. Et ce, s’ils sont respectés, ce qui n’est pour l’instant pas le cas. Si les pays poursuivent leurs politiques actuelles, l’élévation de la température pourrait même atteindre 2,8 °C en 2100.

 

Ces conclusions alarmantes sont issues de deux institutions onusiennes, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), dans son bilan annuel de l’action climatique, publié jeudi 27 octobre, et l’ONU climat, dans sa synthèse des engagements des pays signataires de l’accord de Paris, parue mercredi.

« Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale », a réagi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. La planète, qui s’est réchauffée de 1,2 °C depuis l’ère préindustrielle, est déjà confrontée à un cortège meurtrier d’inondations, de canicules, de sécheresses ou de mégafeux qui ont marqué l’année 2022. « La fenêtre permettant de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C se referme rapidement », a rappelé M. Guterres. « Les gouvernements nationaux doivent renforcer leurs plans climat dès maintenant et les mettre en œuvre au cours des huit prochaines années », a ajouté le patron de l’ONU climat, Simon Stiell.

Multiplier les efforts

Lors de la dernière conférence mondiale sur le climat, la COP26, qui s’est tenue à Glasgow il y a un an, les pays s’étaient pourtant engagés à rehausser chaque année leurs objectifs climatiques pris à l’horizon 2030. Mais au 23 septembre, la date limite fixée par l’ONU, seuls 24 pays l’avaient fait. Un chiffre « décevant », a reconnu Simon Stiell.

Surtout, les progrès entraînés par ces nouveaux plans sont « terriblement insuffisants », tranche le PNUE, qui conclut à « une année gâchée ». Ces nouveaux engagements, notamment pris par l’Australie, la Corée du Sud, le Brésil ou l’Indonésie, permettront d’éviter moins de 1 % des émissions mondiales prévues en 2030.

 

Au total, l’ensemble des plans climat des 193 pays signataires de l’accord de Paris permettraient de réduire les émissions de 5 % à 10 % en 2030 comparativement aux projections réalisées à partir des politiques actuelles. Très loin de ce qu’implique l’accord de Paris : il faudrait une baisse de 45 % sur la même période pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement, et de 30 % pour rester sous 2 °C – l’autre objectif du traité. Il s’agit donc de multiplier par trois à neuf les efforts.

L’insuffisance de ces engagements nous mène vers un réchauffement dangereusement élevé. Alors que l’ONU climat parle de 2,5 °C à la fin du siècle, le PNUE évoque une hausse du thermomètre entre 2,4 et 2,6 °C en 2100 si l’ensemble des objectifs pris à l’horizon 2030 sont tenus. Ces chiffres sont des moyennes, masquant des poussées de fièvre plus élevées sur les continents et dans certaines régions du monde comme au pôle Nord.

Les émissions de gaz à effet de serre en hausse

Il y a une lueur d’espoir, grâce aux objectifs de neutralité carbone. Désormais, 88 pays se sont engagés à atteindre des émissions nettes nulles au milieu du siècle, le plus souvent en 2050. Parmi eux, 19 des membres du G20, qui pèse pour 75 % des émissions mondiales, poursuivent ce cap – à l’exception du Mexique. La mise en œuvre totale de ces objectifs laisse entrevoir, dans ce cas, un réchauffement climatique limité à 1,8 °C.

« Toutefois, ce scénario n’est pas crédible à l’heure actuelle », note le PNUE, tant l’action climatique est repoussée à plus tard. Beaucoup de pays n’ont pas adopté de plans assez ambitieux d’ici à 2030 pour permettre l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Par ailleurs, la mise en œuvre fait défaut : malgré quelques progrès, dans l’Union européenne ou aux Etats-Unis (avec le vaste plan Inflation Reduction Act), le G20, pris dans son ensemble, n’est pas sur les rails pour respecter ses objectifs de court terme pourtant insuffisants.

Preuve que l’action n’est pas au niveau, les émissions de gaz à effet de serre continuent leur progression. Elles ont atteint 52,8 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2021, en excluant le changement d’utilisation des terres ou la déforestation, soit une très légère augmentation par rapport à 2019 (+ 0,4 %). La baisse historique de 2020, liée à la pandémie de Covid-19, n’aura été qu’une parenthèse. En 2022, les émissions mondiales de CO2 liées à la combustion des énergies fossiles devraient de nouveau croître légèrement (un peu moins de 1 %), mais moins que prévu grâce à un déploiement record des énergies renouvelables, selon les estimations publiées mi-octobre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

« Réformer » les systèmes alimentaires

La situation pourrait-elle s’inverser ? Selon un rapport de l’AIE publié jeudi, les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie pourraient pour la première fois atteindre un « point haut » dès 2025, avant de diminuer. La raison : un plateau de consommation de chacune des énergies fossiles grâce à une hausse des investissements dans les renouvelables. L’ONU climat, de son côté, évoque désormais une « possibilité » que les émissions atteignent leur maximum d’ici à 2030, avant de décroître. « Il est trop tôt pour le dire », juge de son côté Anne Olhoff, responsable scientifique du rapport du PNUE et chercheuse à l’université technique du Danemark, reconnaissant que les rejets carbonés ont augmenté moins vite ces dix dernières années que lors de la décennie précédente. L’experte estime également prématuré d’évaluer les conséquences de la crise énergétique et alimentaire sur l’action climatique.

« Le temps des changements progressifs est révolu. Désormais, seule une transformation radicale de nos économies et de nos sociétés peut nous sauver de l’accélération de la catastrophe climatique », prévient Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE. « Réformer l’économie mondiale et réduire de près de moitié les émissions de gaz à effet de serre en huit ans est un défi de taille, voire impossible selon certains, mais nous devons essayer », ajoute-t-elle. Evoquant pour la première fois la possibilité d’un échec, elle appelle à se « rapprocher le plus possible de 1,5 °C ».

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde   
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page