En Chine, le président Xi Jinping vise un pouvoir sans fin

En dépit d’une gestion contestée du Covid, le leader chinois qui tient le pays d’une main de fer est assuré d’obtenir un troisième mandat de secrétaire général du parti lors du XXe congrès, qui s’ouvre dimanche 16 octobre

Le Monde   – Pour qualifier son œuvre, Xi Jinping n’hésite plus à parler de « miracle ». Voire de « double miracle », selon la résolution sur l’histoire du Parti communiste chinois (PCC) adoptée par le comité central, en novembre 2021, qui affirme que le président chinois a « mis fin à la pauvreté absolue » et soutient que « la population coule une existence paisible et laborieuse : la stabilité, voilà le miracle social chinois ». Lorsqu’il ouvrira, dimanche 16 octobre, par un long discours, le XXe congrès du PCC, le chef de l’Etat chinois depuis mars 2013 devrait continuer sur ce registre.

Une rhétorique destinée à faire oublier que, depuis 2010, le taux de croissance est chaque année moins élevé, que 20 % des jeunes urbains sont actuellement au chômage, et que la « fin de la pauvreté absolue » n’empêche pas « six cents millions de Chinois [de vivre] avec moins de 1 000 yuans [150 euros] par mois », selon l’aveu du premier ministre, Li Keqiang, en 2020.

Au même moment, le pays est enferré dans sa politique de zéro Covid, qui impose des restrictions dans la vie quotidienne de centaines de millions de citoyens et une quarantaine draconienne à l’entrée aux frontières, et rend tout déplacement d’une province à l’autre hasardeux.

 

Sur le plan international, le bilan de Xi Jinping n’est pas non plus particulièrement glorieux. Son projet-phare des « nouvelles routes de la soie », qui devait apporter « le bonheur au monde et à tous ses peuples » s’enlise et les relations avec les Etats-Unis n’ont jamais été aussi mauvaises depuis un demi-siècle. Mais Xi Jinping n’est pas du genre à se remettre en question : « Le moment le plus dangereux se trouve lorsque la conviction commence à vaciller », a-t-il déclaré dès 2013. Contre vents et marées, il faut donc continuer à promettre des lendemains qui chantent : « Il ne fait aucun doute que nous pourrons produire de nouveaux miracles qui étonneront le monde et pulvériseront ses préventions à notre égard », indique la résolution sur l’histoire.

Dans la lignée des empereurs chinois

Pour cela, le parti s’apprête à confier à Xi Jinping un troisième mandat de secrétaire général, qu’il cumulera avec celui de président de la République et de président de la Commission militaire centrale. Pourtant, pour éviter tout risque d’un maintien au pouvoir d’un dictateur sénile, comme le fut Mao Zedong à la fin de sa vie, son successeur, Deng Xiaoping, avait imposé, dès 1982, une direction collégiale et fait modifier la Constitution pour qu’aucun président de la République ne puisse exercer plus de deux mandats de cinq ans.

S’inscrivant dans la lignée des empereurs chinois – il a été le premier dirigeant communiste à recevoir un hôte étranger, en l’occurrence Donald Trump en 2017, dans la Cité interdite –, Xi Jinping a fait à nouveau modifier la Constitution en 2018 pour faire sauter ce verrou. En confiant à Xi Jinping un troisième mandat, le XXe congrès du PCC plonge, paradoxalement, la Chine – et le monde – dans l’inconnu. « Xi s’est efforcé de détricoter méthodiquement tous les garde-fous qui avaient été mis en place par Deng Xiaoping dans les années 1980 pour éviter que ne se reproduisent les abus totalitaires du maoïsme (…). Il faut s’attendre à ce que de nouvelles frontières du totalitarisme soient repoussées », prédit le chercheur Marc Julienne, dans une note de l’Institut français des relations internationales parue le 14 octobre.

 

Le XXe congrès ne sera donc pas un congrès pour rien. Le discours que Xi Jinping s’apprête à prononcer ce dimanche va servir de feuille de route pour, comme dit la propagande, « les cinq ans et au-delà ». Par ailleurs, l’équipe dirigeante va être en partie renouvelée. La règle veut que l’on peut encore être promu à 67 ans, mais qu’il faut quitter le pouvoir lors du congrès qui suit le soixante-huitième anniversaire. Si cette règle – elle ne s’applique pas à Xi, âgé de 69 ans – est respectée, 11 des 25 membres du bureau politique devront être renouvelés. Deux d’entre eux figurent même parmi les 7 membres du comité permanent du bureau politique, le véritable cœur du pouvoir.

Le jeu « truqué d’avance »

Officiellement, le bureau politique, le comité permanent et le secrétaire général sont désignés par le comité central (environ 200 membres titulaires et 160 suppléants), qui, lui, sera élu par les 2 296 délégués au congrès. Dans les faits, les nominations au bureau politique et au comité permanent du bureau politique ont été décidées ces dernières semaines par Xi Jinping et les autres dirigeants. « Le jeu demeure largement truqué d’avance », résume le juriste Jean-Pierre Cabestan dans Le Système politique chinois (Presses de Sciences Po, 2014). Signe que Xi Jinping a la situation bien en main, rien n’a filtré sur ces nominations. Il faudra donc vraisemblablement attendre la fin du congrès le 22 octobre pour connaître la future équipe dirigeante, tenter d’en déduire si Xi Jinping voit ses pouvoirs renforcés ou non, et, en fonction de l’âge des promus, y discerner un possible successeur.

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Source : Le Monde  

 

 

 

 

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