
Slate – Le début d’une nouvelle année scolaire peut être stressant tant pour les parents que pour les enfants. Mais il y a une source de tension que les parents d’élèves de primaire peuvent s’épargner: la supervision quotidienne des devoirs. Nous savons en effet que rien ne prouve l’impact positif de cette surveillance sur la réussite scolaire.
Si le débat est ouvert chez les éducateurs pour déterminer si les devoirs sont une bonne chose à l’école élémentaire, je pense quant à moi que tout dépend de la nature du travail demandé. Des tâches adaptées au développement de l’enfant sur des supports pertinents, réalisables en autonomie (sans nécessité de supervision par un adulte) contribuent, me semble-t-il, à former des habitudes qui seront très utiles à l’enfant tout au long de son parcours scolaire. La règle des «10 minutes par année scolaire» semble une pratique raisonnable (en CE1, par exemple, deuxième année d’apprentissage, on peut demander à l’enfant de lire 20 minutes par jour).
Pas de bénéfice clair de l’aide parentale
C’est au niveau de cette question de la «supervision par un adulte» que mes nouvelles recherches interviennent. Nous savons que l’aide parentale pour les devoirs est considérée depuis longtemps par les éducateurs et les décideurs comme un mécanisme efficace pour aider les enfants à réussir, mais après avoir étudié les pratiques parentales en tant que sociologue spécialiste de l’éducation et de l’enfance pendant plus de vingt ans, je me suis demandé si les données étayaient réellement cette hypothèse largement acceptée. Il se trouve que mes récentes recherches, menées à l’université de Penn State, suggèrent que les parents pourraient bien perdre leur temps.
Mon étude, qui utilise deux ensembles de données représentatifs au niveau national [américain, ndlr] concernant environ 20.000 enfants de la maternelle à la sixième, n’a pas montré qu’il était bénéfique pour l’enfant que ses parents l’aident à faire ses devoirs. En d’autres termes, nous n’avons trouvé aucun lien statistiquement significatif entre l’aide apportée par les parents pour les devoirs, autodéclarée et mesurée par niveau d’intensité (d’une aide quotidienne à moins d’une fois par semaine) pendant des interviews de parents à chaque vague de collecte de données, et les résultats en mathématiques et en lecture.
Cacher les lacunes
Si mes recherches ne peuvent pas montrer les mécanismes qui entraveraient les potentiels bénéfices de l’aide parentale aux devoirs pour ce groupe d’âge, mon équipe et moi avons suggéré trois possibilités: la perte cognitive, les effets négatifs sur le climat émotionnel du foyer et le transfert de la responsabilité.
Les parents peuvent être plus critiques que les professeurs, exercer trop de pression ou générer une situation globalement stressante.
Stressés par l’idée qu’il faut finir les devoirs, les parents peuvent penser qu’ils aident leurs enfants en leur donnant les bonnes réponses. Mais d’autres recherches laissent penser que cette pratique prive l’élève du principal objectif des devoirs qui est, entre autres compétences, d’aiguiser leur capacité à résoudre des problèmes. Cette intervention parentale peut aussi cacher les lacunes cognitives ou de connaissances de l’enfant, qui auraient pu être repérées par le professeur.
L’implication quotidienne de la part des parents dans les devoirs est également associée à un impact négatif sur le climat émotionnel de la famille. Les parents peuvent être plus critiques que les professeurs, exercer trop de pression ou générer une situation globalement stressante en étant intrusifs ou en tentant de trop contrôler. Dans d’autres recherches, ce type de comportement parental est lié à de moins bons résultats scolaires, tandis qu’un comportement de soutien a un impact positif.
Responsabiliser l’enfant
Les adultes qui vérifient constamment les devoirs pour être sûrs qu’ils sont faits et bien faits peuvent également envoyer à l’enfant le message que cela ne relève non pas de sa propre responsabilité, mais de celle de ses parents. Développer l’idée qu’il est de la responsabilité de l’enfant de terminer une tâche est un comportement important que les devoirs peuvent contribuer à cultiver.
Je ne suis pas en train de suggérer que les parents ne doivent absolument pas s’impliquer dans les devoirs de leurs enfants. Ils peuvent améliorer l’expérience d’apprentissage à la maison en fournissant un espace propice (une ambiance paisible, sans distractions), et en transmettant un message clair sur l’importance de l’instruction –ce que les autres chercheurs appellent la «mise en scène». Et il est important que l’enfant sache que s’il a vraiment des difficultés, un adulte peut l’aider. Mais cette aide ne doit ni être fournie automatiquement, ni imposée.
Les parents peuvent aussi réorienter le temps conflictuel des devoirs vers des activités plus bénéfiques stimulant le développement émotionnel des enfants (ce qui, on le sait, a un impact positif sur leurs future réussite scolaire), comme des conversations paisibles et positives à propos de l’école et de leurs amis, de ce qui leur plaît en classe et de leurs objectifs scolaires. Quand les parents mettent en place des relations chaleureuses et intimes, transmettre l’idée de l’importance de bien travailler à l’école devient une partie naturelle de la conversation et l’enfant n’a pas l’impression qu’on lui met la pression ou qu’on lui fait la leçon.
Bérengère Viennot — Édité par
— Traduit parSource : Slate (France)
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