Au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Damiba renversé par un nouveau coup d’Etat

La junte dirigée, depuis le vendredi 30 septembre, par le capitaine Ibrahim Traoré, peu connu de la population, devra faire face à la poussée djihadiste que connaît le pays.

Le Monde  – Au Burkina Faso, on connaît désormais le scénario. Des tirs qui résonnent au petit matin dans les garnisons de la capitale, des soldats encagoulés bloquant les axes stratégiques de la ville. Puis l’attente, longue, dans un climat de confusion, jusqu’à l’apparition sur les écrans de télévision des nouveaux visages de ceux qui dirigeront le pays, ravagé par les attaques djihadistes.

Huit mois seulement après le putsch du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, l’armée a de nouveau renversé le pouvoir, vendredi 30 septembre, à la fin d’une journée marquée par une série de mutineries dans les casernes et la circulation de nombreuses fausses informations sur les réseaux sociaux.

A 20 heures locales, le flou a été dissipé lorsque une quinzaine de soldats en treillis, certains avec le visage masqué, ont annoncé l’éviction du chef de la junte et la dissolution du gouvernement. « Les forces vives de la nation seront convoquées incessamment à l’effet d’adopter une nouvelle charte de la transition et de désigner un nouveau président du Faso, civil ou militaire », a indiqué l’un des putschistes, en lisant une déclaration signée du capitaine Ibrahim Traoré, un officier trentenaire désormais président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), le nom de la nouvelle junte.

 

Un coup « inopportun »

 

Les putschistes ont également annoncé la suspension de la Constitution, l’instauration d’un couvre-feu de « 21 heures à 5 heures » du matin, ainsi que la fermeture des frontières « jusqu’à nouvel ordre ». Dans un communiqué publié dans la soirée, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a condamné avec « la plus grande fermeté » le nouveau coup de force de l’armée au Burkina Faso, le jugeant « inopportun » alors qu’un consensus avait permis de fixer un retour à l’ordre constitutionnel en 2024.

Vendredi, les habitants de la capitale ont eu l’impression de revivre une scène familière. Le 24 janvier, un groupe de militaires avait renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, élu démocratiquement mais incapable d’endiguer la flambée des attaques terroristes dans le pays au cours des sept années précédentes. S’emparant du pouvoir, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba avait suscité l’espoir d’une partie de la population, promettant la « reconquête » du territoire, dont plus de 40 % échappent au contrôle de l’Etat, ainsi que le retour des personnes déplacées à cause des violences – près d’un Burkinabé sur dix – dans leur village d’origine. Selon le communiqué d’Ibrahim Traoré, des propositions visant à une « réorganisation » de l’armée, pour la rendre plus efficace sur le terrain, auraient été proposées au lieutenant-colonel Damiba, qui les aurait rejetées.

 

A la télévision, le capitaine Kiswendsida Farouk Azaria Sorgho lit une déclaration signée du capitaine Ibrahim Traore annonçant l’éviction du lieutenant-colonel Damiba et la dissolution du gouvernement. Ouagadougou (Burkina Faso), le vendredi 30 septembre 2022.

 

La grogne montait depuis un moment au sein de l’armée, poussée à bout par de nombreuses pertes et des années de lutte contre les groupes djihadistes, dont la menace ne cesse de s’étendre sur le territoire. Lundi 26 septembre, un convoi de ravitaillement escorté par des militaires sur la route de Djibo, une ville du nord sous blocus des groupes armés, a été à nouveau attaqué. Au moins onze soldats ont été tués et une cinquantaine de civils sont portés disparus. Ce drame, le deuxième en moins d’un mois sur cet axe dangereux, avait déchaîné de vives critiques à l’encontre de Paul-Henri Sandaogo Damiba.

Page d’incertitude

 

Jeudi 29 septembre, à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, dans l’Ouest, des dizaines de manifestants ont défilé, malgré l’interdiction de se rassembler, pour réclamer la démission du chef de la junte, ainsi qu’un rapprochement avec la Russie. Vendredi 30, plusieurs centaines de personnes, rassemblées près de la place de la Nation, au cœur de la capitale, ont également brandi des drapeaux russes et dénoncé l’action militaire de la France au Sahel, dont une unité des forces spéciales est basée dans la périphérie de Ouagadougou.

Après le Mali, ce nouveau « coup dans le coup » au Burkina Faso ouvre une page d’incertitude quant à l’avenir de la présence française, de plus en plus critiquée, au Sahel. Selon plusieurs sources sécuritaires, les divergences se creusaient ces derniers mois entre certains officiers prônant une réorientation stratégique vers la Russie, et d’autres plus réticents. Au lendemain du putsch, le flou demeure sur le cap qui sera choisi par la nouvelle équipe du MPSR, dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré, jusqu’ici chef du régiment d’artillerie de Kaya (Centre-Nord) et peu connu de la population.

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Source : Le Monde 

 

 

 

 

 

 

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