Comme beaucoup de jeunes de ma génération, nous n’avions pas de date de naissance précise.
Nous savions par nos proches que nous étions nés l’année de la grande sécheresse, l’année de la pénurie de tomates, l’année où l’équipe de foot de la Mauritanie avait gagné la coupe du monde… Bref, l’année de ceci, de cela.
Forcément, je n’échappais pas à la règle. Je savais approximativement que j’étais né en 1963.
Sur mes pièces d’identité à l’époque figurait : né le 00/00/1963.
Je ne m’étais jamais soucié de cette anomalie auparavant.
Pour moi, vu que le mot anniversaire était absent de mon vocabulaire, cela ne posait aucune difficulté. Je savais que j’étais de telle génération, c’était l’essentiel.
Arrivé en France, jeune étudiant, au secrétariat de mon lieu d’études la première question était :
« Monsieur, j’ai besoin de savoir votre date de naissance ? »
Dans un premier temps, surpris par cette question, je répondis :
«1963 c’est écrit Madame.»
« Monsieur, c’est insuffisant, il nous faut absolument un jour, un mois et une année de naissance pour la sécurité sociale et tous les documents administratifs inhérents à votre statut.»
« Alors, Madame, je n’en sais strictement rien, choisissez ce qui vous convient. » rétorquai-je grand seigneur du désert où le temps n’a pas d’emprise.
Autre culture, autre temps.
A partir de ce jour, j’étais né le 01/01/1963.
En effet, le 0 était devenu 1 ou peut-être le contraire. Pour l’administration française, j’étais désormais en règle.
Cela ne changeait rien à ma perception des choses.
Juste une histoire de 0 et de 1.
« Bon anniversaire », ce vocable essentiel pour mon entourage et bien au-delà n’avait pas vraiment de sens pour moi.
Je suis le roi des anniversaires, comme je veux, quand je veux… Vu que je choisis ma date de naissance à ma convenance.
Et vous alors ! Je sens comme une petite pointe de jalousie.
Eh, oui ! Pas de chance, c’est trop tard, il fallait naître avant le premier smart-phone…
Être un dinosaure, quoi !
Elbane Hamady
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