La table de Vladimir Poutine tient ses ennemis à distance

« Une personnalité, un objet » (22/40). Elle a tenu la vedette lors de la visite d’Emmanuel Macron à Moscou, en février. Cette imposante pièce de mobilier de six mètres de long permet au maître du Kremlin de se protéger du Covid et d’afficher son mépris à ses visiteurs occidentaux comme à ses vassaux.

Le Monde  – Certaines tables ont leur place dans l’histoire. On y signa des capitulations, on y écrivit des appels demeurés célèbres, on y tint des rencontres fameuses… Celle, ovale, qui accueillit la rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, le 7 février 2022, quelques jours avant le déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine, est de celles-là. Ces six mètres séparant les deux hommes en disaient long de l’état d’esprit du maître du Kremlin à cet instant clé : sa peur du Covid-19 et des complots, son isolement, son règne toujours plus solitaire.

Le rejet affiché n’était pas seulement celui de l’Occident, en la personne du président français : nombre de collaborateurs ou ministres du président russe ont droit à des traitements similaires. Dans ce monde éminemment byzantin qu’est le Kremlin, la proximité ou l’éloignement sont de subtils marqueurs d’estime ou de disgrâce.

 

Les tables et les bureaux sont un attribut essentiel du long règne de Vladimir Poutine depuis son accession au pouvoir, en 1999. Le 28 juillet 2000, le président convoqua les vingt principaux oligarques qui avaient soutenu son ascension pour leur expliquer les nouvelles règles du jeu : à eux les dollars, à lui la politique. L’endroit avait été choisi avec soin : l’ancienne datcha de Joseph Staline, à Kountsevo.

« Réfugié dans son bunker »

Les bureaux du président russe sont immuables. Il s’agit d’afficher l’austère permanence du pouvoir, la toute-puissance éternelle des tours du Kremlin. Armoiries nationales bien visibles, porte-plume désuets et presse-papiers ambrés, téléphones innombrables conservés de l’époque soviétique… Pas un dossier visible, rien que le bois parfaitement ciré.

Un autre puissant, le patriarche Kirill, fut victime de ce bois trop brillant quand son service de presse effaça par Photoshop une montre de luxe à son poignet en oubliant le reflet de l’objet sur la table.

 

Pas d’ordinateur non plus, le président russe a déjà confessé ne pas en maîtriser le fonctionnement. Rien de personnel, surtout, ni photographie ni même un stylo qui risquerait de trahir sa personnalité, ses préférences. Le président est un fonctionnaire comme un autre, qui plus est un ancien des services secrets. A peine un humain.

Autre objectif de ce mélange de sobriété recherchée et de pompe toute soviétique : ne pas dévoiler d’informations sur le lieu où travaille le président. Seule nouveauté, depuis la pandémie de Covid-19, l’apparition d’écrans géants pour les visioconférences, devenus le principal outil de travail d’un Vladimir Poutine que les internautes moquent en « grand-père réfugié dans son bunker ».

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Source : Le Monde 

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