Pourquoi le symbole du cœur ne ressemble-t-il pas à un vrai cœur ?

À l'origine, le but n'était même pas d'en représenter un.

Slate – Spoil : ❤️ ceci n’est pas un cœur. Pas besoin d’être un fan d’anatomie pour savoir que le symbole cœur, que l’on dessine ou que l’on envoie par message, n’a rien à voir (vraiment rien du tout) avec l’organe qui bat dans notre poitrine. L’un est symétrique, avec deux belles courbes qui se rejoignent et les traits droits, tandis que l’autre a plutôt une forme grossière, avec des tuyaux qui se baladent un peu partout en giclant du sang façon arrosage automatique.

Évidemment, envoyer à l’être aimé un cœur dégoulinant de sang, c’est tout de suite moins romantique qu’un petit émoji bien placé, ou qu’une lettre avec un joli cœur finement tracé. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi représentons-nous le cœur humain de cette façon, si éloignée de l’organe en question ?

Racine antique

Avant de finir en jaune, bleu ou vert sur nos écrans, le symbole du cœur tel que nous le connaissons a fait beaucoup de chemin. Il faut en effet remonter à l’Antiquité pour trouver des traces de l’origine de sa forme, mais aussi de sa symbolique, liée à l’amour ardent.

​Au XIVe siècle, on voit apparaître les premières illustrations du cœur en tant que symbole amoureux​.

Au risque de vous surprendre, le dessin du cœur ne représente, à la base, même pas un cœur. En réalité, il s’inspire plutôt d’une feuille bien particulière: une feuille de lierre. Mais si, regardez bien. On retrouve dans cette feuille cette forme devenue universelle, avec ses deux courbes qui se rejoignent et sa pointe à l’extrémité.

Des feuilles de lierre. | Floraf via Unsplash

C’est bien beau tout ça, mais pourquoi du lierre, me direz-vous? En Grèce antique, le lierre faisait en fait directement écho à Dionysos, dieu du vin, mais aussi des plaisirs poussés à l’excès, notamment ceux de la chair. Ajoutons à cela la célèbre réputation de cette plante, que l’on admirait alors pour sa résistance et sa longévité, et cela nous donne un savoureux mélange d’amour passionnel et durable. Rien d’étonnant donc dans le fait de retrouver ces feuilles de lierre, parfois entremêlées avec de la vigne, dessinées un peu partout sur les vases grecs puis romains, qui feront perdurer ce symbole.

Ça, c’est pour la forme. Mais qu’en est-il du cœur, du vrai? Celui qui palpite, qui bat la chamade? Lui aussi était déjà lié à plusieurs symboliques. Chez les Romains, on ressent le sentiment d’amour directement dans le «cor» ou «pectus», explique France Culture. Autrement dit, dans la poitrine, là où se trouve le cœur.

 

Moyen Âge, amour fort

Il faudra finalement attendre le Moyen Âge pour voir apparaître les traits du cœur tels que nous les connaissons aujourd’hui. Amour chevaleresque, amour courtois, poésie… la passion amoureuse est en ébullition dans cette période de l’histoire. On la chante, on la célèbre et, bien sûr, on la représente.

Au début, on continuait à entretenir ce lien entre amour et feuillage. C’est pourquoi l’on retrouve, par exemple, des scènes médiévales d’amoureux sous un tilleul tissant des cordes, avec, en fond, cette idée d’attachement symbolique. Mais petit à petit, c’est le cœur sous notre poitrine qui finit par prendre toute la place. En lui se trouvent les sentiments, l’amour et la passion.

Facile à dessiner, le cœur est fait de deux moitiés stables et identiques, parfaitement harmonieuses.

​C’est ainsi qu’au XIVe siècle, on voit apparaître les premières illustrations du cœur en tant que symbole amoureux, rapporte le Wall Street Journal. Bon, clairement, on sent que les artistes tâtonnent encore un peu leur style.​

Il n’y a qu’à regarder la plus vieille représentation moderne du cœur connue à ce jour, dessinée sur un manuscrit français datant des années 1340, intitulé Le Roman d’Alexandre. On y voit une femme tenir dans sa main un cœur, qui ressemble alors à une sorte de grosse poire, voire à une dent. Dans sa version complète, un homme lui fait face, se touchant la poitrine, comme pour montrer l’origine de ce présent.

Illustration du Roman d’Alexandre. | PKM via Wikimedia Commons

À l’instar de cette illustration, les dessins de cœurs sont alors à mi-chemin entre leur forme réalistique et leur forme contemporaine, que l’on utilise aujourd’hui, tout en s’inspirant de l’esthétique de la feuille de lierre. Encore un peu grossière, pas franchement attrayante, elle est néanmoins symétrique et les deux lobes sont clairement définis.

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Robin Tutenges — Édité par Thomas Messias

Source : Slate (France)

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