À la tête de l’association Sikida Lakana, Broulaye Coulibaly indique avoir alerté les autorités locales face aux dangers de l’exploitation aurifère. “J’ai appris qu’ils ont commencé à creuser sur un site (Djolibani) et je m’y suis rendu. Par la suite, j’ai informé le chef du village en lui disant d’y faire un tour pour constater les dégâts. Car, s’ils continuent cette activité, ils nous chasseront d’ici. Sans avoir une suite, j’ai entamé la même démarche chez le sous-préfet, à qui j’ai recommandé l’arrêt des activités pour qu’on discute entre nous d’abord. Ce dernier m’a fait savoir qu’il ne peut pas ordonner l’arrêt des travaux et que je pouvais également leur demander de l’argent s’il arrivait qu’ils aient besoin de mon champ.”

 

Accords au sommet, désaccords à la base

 

Pour la société Yi Yuan Mines, ce bras de fer ne devrait pas avoir lieu. “La réalité, c’est l’État malien qui a donné le permis à travers le ministère des Mines. Il est dit que l’État est propriétaire de la terre. Alors que les villageois pensent tout à fait le contraire, ils estiment être les propriétaires de la terre. Il n’y a pas de paradoxe parce que ce n’est pas le permis de recherche qu’on a mais un permis d’exploitation. Et ç’a été diffusé partout. Mais malgré tout, ils s’opposent”, affirme Boubacar Abdoulaye Diarra, représentant de l’entreprise chinoise.

Pour ce qui concerne les dégâts causés sur la biodiversité, Boubacar Abdoulaye Diarra répond : “Le plus souvent, les orpailleurs traditionnels utilisent des ‘cracheurs’ sur le terrain. Ça, c’est pour broyer la matière. En le faisant, ils sont obligés d’apporter sur le terrain les produits qu’il faut, pour essayer de concentrer un peu l’or, et c’est là où il y a dégâts. Lorsqu’ils utilisent ces produits avec de l’eau, il y a toujours ruissellement, et puisque c’est un produit toxique, ça joue sur la nature. […] Mais les produits que nous utilisons ne vont pas dans la nature.”

En août 2021, le procès-verbal de constat réalisé par un huissier ainsi qu’un autre rapport de la Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN) indiquent que ces activités, sans études environnementales au préalable, nuisent à l’écosystème.

Il a donc été recommandé à la sous-préfecture la suspension des travaux pour permettre à ces sociétés de se conformer aux normes requises à travers l’obtention d’un permis environnemental et social, d’un permis d’exploitation de l’or et le paiement des infractions commises.

C’est le 7 avril 2022, soit un an après la signature du projet de convention d’exploitation, que la société Yi Yuan a obtenu le permis d’exploitation délivré par le ministère des Mines, de l’’Énergie et de l’Eau pour exploiter une superficie de 100 kilomètres. Un permis qui ravive les tensions et les craintes liées à l’impact environnemental.

 

Sursaut de la société civile

 

Face à la dégradation des terres et pour venir en aide aux habitants, une organisation non gouvernementale procède au remblai des fosses d’anciens sites miniers, au reboisement et au curage des rivières.

Mais aujourd’hui la nouvelle situation n’arrange pas les choses. “Cela impacte également notre projet de barrage prévu à Lankalen. Ce projet a été annulé à cause des travaux des Chinois. Car les lieux sont proches l’un de l’autre. Ce qui impacte les activités, précisément les cours d’eau. Lorsqu’on analyse, il était impossible de pêcher cette année dans ces rivières, ni d’entretenir les plantes à cause des eaux de ruissellement issues des sites”, souligne Moustapha Berthé, agent de l’ONG Azhar.

Sur place, la tension était vive le mardi 14 juin 2022. Ce jour-là, une rencontre entre les autorités régionales, communales et coutumières a eu lieu à la mairie de Naréna pour un retour au calme. “Les autorités locales de Kangaba ne cessent de signaler une agitation sociale au niveau de Naréna, précisément dans le village de Bayan, où une société chinoise du nom de Yi Yuan, en partenariat avec des Maliens, s’installe après l’obtention bien sûr d’un permis d’exploitation. Alors par suite de déficit communicationnel, les populations locales ont tenu à montrer leur mécontentement”, a déclaré le colonel Lamine Kapory Sanogo, gouverneur de la région de Koulikoro, à la fin de la rencontre.