
Ghana, à l’occasion de son dernier album, Mr. Morale & The Big Steppers, n’a pas échappé à la règle. La vidéo de trois minutes, qui montre des scènes du rappeur en compagnie de jeunes skateurs et surfeurs ghanéens entrecoupées de plans de rues de quartiers populaires d’Accra, a suscité des commentaires mitigés chez les internautes africains.
A chaque nouveau voyage d’un artiste afro-américain en Afrique sa controverse. La sortie sur Spotify, mi-juin, d’un mini-documentaire sur la visite de Kendrick Lamar au« Je n’aime vraiment pas la manière dont des célébrités américaines montrent l’Afrique comme une terre fétichisée servant de trame esthétique à la mise en scène de leurs conflits intérieurs », a rapidement réagi une jeune Kényane dans un message retweeté près de 20 000 fois. « N’ont-ils pas le droit de se reconnecter avec leur mère patrie et de la représenter comme ils l’entendent ? », lui a répondu un autre internaute.
Entre le soutien à un « retour » aux racines africaines et des critiques d’une vision fantasmée et déconnectée de la réalité du continent, les visites de plus en plus nombreuses de stars américaines en Afrique engendrent toujours de vives réactions.
Fin 2021, la chanteuse de R’n’B Ari Lennox a ainsi été accusée de se croire au Wakanda, le pays africain imaginaire où est située l’action du blockbuster Black Panther, de Ryan Coogler (2018), après des tweets dans lesquels elle faisait part de son émotion et de son bonheur de se trouver au Ghana.
Pas un phénomène nouveau
En 2018, c’est Kanye West qui crée la polémique en rendant visite au président ougandais, Yoweri Museveni, dont le régime est accusé de réprimer l’opposition. « Ye » avait également installé un studio d’enregistrement dans un lodge de luxe du parc national des Murchison Falls afin d’y finaliser son album Yandhi. « J’ai juste besoin d’aller [en Afrique] et de sentir la terre. D’y garder mon micro ouvert afin qu’on puisse entendre les bruits de la nature pendant qu’on enregistre », avait-il déclaré quelques jours avant son voyage au média TMZ.
De son côté, le rappeur Akon tarde à enclencher le chantier de sa ville futuriste, « Akon City », pourtant annoncée en grande pompe aux Sénégalais en 2020.
L’attrait du « retour » n’est pas un phénomène nouveau chez les artistes Afro-Américains. La chanteuse et pianiste Nina Simone (1933-2003) assurait vouloir mourir sur le continent, sa « maison ancestrale ». Au cours de sa carrière, elle s’est rendue au Nigeria, en Algérie et au Liberia, où elle vécut trois ans dans le courant des années 1970.
Le chanteur Stevie Wonder a, quant à lui, posé ses valises à Lagos, en 1977, pour un concert au Festac, le Festival mondial des artistes et des cultures noires et africaines. L’événement, qui avait rassemblé dans la capitale économique nigériane des musiciens, des danseurs et des stylistes de soixante-dix pays africains ou abritant des diasporas africaines, entendait célébrer l’excellence et l’unité noire.
« Le concept d’une diaspora noire, dispersée par la violence de la traite, unie par un destin malgré les différences de cultures et recherchant une connexion à son origine a émergé aux Etats-Unis dans les années 1960, vers la fin du mouvement pour les droits civiques », explique Jonathan W. Gray, professeur à l’université de New York. Pour ce spécialiste de la pop culture afro-américaine, les artistes ont aujourd’hui des approches différentes lorsqu’ils visitent le continent : certains seraient dans une démarche sincère, tandis que d’autres ne chercheraient que le buzz.
« Cela profite à tous »
Depuis la sortie du film Black Panther, l’esthétique afro-futuriste a en tout cas fait une entrée remarquée dans la pop culture américaine. Et l’industrie musicale recherche davantage de collaborations avec des artistes africains.
C’est le cas de Beyoncé, qui a travaillé sur son album The Lion King : the Gift (2019) avec de nombreuses stars nigérianes de l’afrobeats : Burna Boy, Mr Eazi, Wizkid ou encore Yemi Alade. Le film Black Is King, sorti dans la foulée, célèbre une esthétique africaine et se présente comme un condensé d’histoire du continent. Il a lui aussi pourtant suscité la controverse et a été accusé de véhiculer des clichés issus de l’Afrique précoloniale.
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