
Rester fermes sur leur principe de « tolérance zéro » envers les coups d’Etat, quitte à abîmer un peu plus leurs économies par d’impopulaires sanctions, ou jouer le compromis, au risque de conforter l’assise des putschistes qui tiennent le pouvoir au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Placés devant ce dilemme, les dirigeants d’Afrique de l’Ouest, réunis dimanche 3 juillet en sommet à Accra, au Ghana, ont choisi de maintenir une approche au cas par cas. Les décisions de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dessinent cependant une inflexion favorable aux militaires qui se sont emparés du pouvoir dans leur pays.
La prise de position la plus attendue concernait le Mali, avec l’annonce de la levée immédiate du blocus commercial et financier instauré six mois plus tôt. Les frontières avec le Mali seront rouvertes et les diplomates régionaux pourront revenir à Bamako, la capitale.
Un train de sanctions avait été adopté le 9 janvier alors que la junte au pouvoir à Bamako proposait une transition pouvant durer jusqu’à cinq ans et semblait prête à toutes les ruptures pour conserver le pouvoir. Le représentant de la Cedeao sur place venait d’être expulsé, l’ambassadeur de France n’allait pas tarder à l’être. Les paramilitaires russes de Wagner commençaient leur déploiement, poussant rapidement les soldats français de l’opération « Barkhane » vers la sortie. Les chefs d’Etat de la région avaient alors décrété une fermeture des frontières, le gel des avoirs de l’Etat malien et un blocage de tous les échanges, à l’exception des produits de première nécessité. « En défaut de paiement, les autorités maliennes ne tiendront pas trois mois », espérait alors l’un des tenants d’une ligne dure, regroupés autour du Nigeria, du Ghana et du Niger.
Appui du Togo et du Sénégal
Six mois plus tard, force est de constater que la stratégie d’étouffement économique du pouvoir a échoué. Même si l’organisation régionale a maintenu les sanctions individuelles contre la junte et la suspension du Mali de ses organes – une mesure automatique et symbolique qui frappe les trois pays de la région où des putschistes sont au pouvoir, comme au Burkina Faso et en Guinée –, le colonel Assimi Goïta est toujours installé à la présidence, près de deux ans après son premier putsch d’août 2020. De plus, la loi électorale promulguée le 24 juin ne lui barre pas de façon irrémédiable la route vers une candidature à la future présidentielle, désormais fixée à février 2024.
« Toutes les lois électorales d’Afrique francophone disent qu’un militaire doit démissionner six mois avant de se présenter. Les Maliens ont ramené ce délai à quatre mois, mais la charte de transition indique clairement qu’aucun membre du pouvoir actuel ne pourra concourir. Il n’y aura pas de nouveau bras de fer », veut espérer une source participant au huis clos des chefs d’Etat.
Cependant, si ces derniers ont réitéré officiellement leur refus de voir participer au scrutin les acteurs de la transition en cours au Mali, un observateur à Bamako prévient : « Le pouvoir s’est enfin mis en marche pour des élections avec la publication d’un calendrier, mais les militaires veulent garder l’option d’être éligibles. La rue est pour eux plus importante que les pressions diplomatiques et les Russes qui les soutiennent ne veulent pas de changement. » Dans leur travail pour desserrer l’étau économique, les autorités maliennes ont bénéficié de l’appui du Togo, dont le président est un proche d’Assimi Goïta, et du Sénégal, soucieux de l’impact des sanctions sur sa propre balance commerciale, le port de Dakar étant la première porte d’entrée et de sortie du Mali.
Des appuis régionaux jouent un rôle similaire dans le cas du Burkina Faso. Des bonnes fées qui lui évitent toute punition plus forte qu’une suspension symbolique des instances régionales, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, aux commandes du Burkina Faso depuis le 24 janvier, en a trouvé du côté de la Côte d’Ivoire et du Niger. Le discret officier bénéficie depuis son putsch des conseils de responsables sécuritaires ivoiriens, préoccupés par la descente vers le sud de groupes djihadistes en direction de leur pays.
« Avancée spectaculaire » au Burkina
L’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou, médiateur de la région, semble l’avoir convaincu lors d’une visite samedi de rendre le pouvoir à un président élu d’ici deux ans, un an plus tôt que ce qu’il escomptait. « C’est déjà une avancée spectaculaire », se réjouit Mahamat Saleh Annadif, le chef du bureau de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, à l’issue du sommet.
Si le lieutenant-colonel Damiba montre de la flexibilité pour échapper aux sanctions, en Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya, joue, lui, sans restriction la carte de l’homme fort, depuis qu’il a renversé le 5 septembre 2021 le président Alpha Condé. Sans conséquence majeure, son régime a interdit les manifestations, mis en branle la justice contre une bonne partie de la classe politique et repoussé en mai la fin de la transition de trois années supplémentaires. Après que Conakry s’est opposé à la nomination d’un premier médiateur, la Cedeao en a désigné un nouveau en la personne de l’ancien président du Bénin, Thomas Boni Yayi. Sa première mission sera d’accélérer le calendrier électoral.
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