A Saint-Louis du Sénégal, un jardin thérapeutique pour les hommes et la nature

 

C’est une oasis de verdure dans le paysage aride du nord du Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie et son désert. A une dizaine de kilomètres de l’île historique de Saint-Louis, une ferme agricole pédagogique et de recherche est accolée à l’université Gaston-Berger (UGB). Entre les pépinières et les champs de légumes maraîchers se dressent acacias, jatrophas et moringas, des arbres médicinaux qui font partie du projet de jardin botanique et thérapeutique porté par trois professeurs de l’université de Saint-Louis.

Financé par l’Observatoire hommes-milieux international (OHMI) Téssékéré, une structure de recherche interdisciplinaire qui permet un échange de savoirs entre scientifiques des pays du Nord et du Sud, ce jardin en devenir s’inscrit dans le projet de la Grande Muraille verte. Cette dernière, portée par l’Union africaine, vise à restaurer une bande végétale de 15 kilomètres de large sur 7 600 kilomètres de long, à travers onze pays (du Sénégal à Djibouti), afin de lutter contre la désertification dans la bande sahélienne.

 

« Le manque d’appropriation par les populations est la grosse faiblesse de la Grande Muraille verte », estime le docteur Sidy Mohamed Seck, maître de conférences agrégé en néphrologie à l’UGB et l’un des initiateurs du projet. « Elles ne voient pas l’intérêt direct de planter des arbres puis de les protéger et de les entretenir, car l’impact sur le changement climatique n’est pas visible immédiatement. L’idée est donc de les motiver en plantant des arbres aux propriétés médicinales et alimentaires, qui leur permettent de se soigner et de se nourrir. »

 

Sélection de dix plantes

 

Le jardin thérapeutique n’en est qu’à ses débuts, et les équipes de l’université attendent encore d’avoir tout le matériel pour lancer les semis et les boutures nécessaires au développement de la pépinière. Une fois que les plants auront poussé, l’objectif est de les transférer dans une partie de la ferme agricole, où ils resteront le temps de se renforcer et de s’adapter au climat avant d’être réintroduits dans la zone de la Grande Muraille verte.

« C’est intéressant de le faire à Saint-Louis, car nous avons le même climat, sec et aride, que celui qui prévaut sur le tracé de la Grande Muraille verte. C’est un bon endroit pour expérimenter l’acclimatation de certaines espèces », explique le docteur Seck. Au total, dix plantes adaptées au climat sahélien ont été sélectionnées, parmi lesquelles le jatropha ou pourghère, un arbuste qui pousse dans les zones semi-arides.

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En plus de pouvoir produire du biocarburant avec l’huile extraite de ses graines, les populations utilisent sa sève, un latex translucide qui cicatrise les plaies ou soigne les diarrhées. « Cette plante était utilisée pour former les haies, mais, avec l’urbanisation et l’usage croissant des grillages, elle se fait de plus en plus rare », note le médecin, qui s’est spécialisé dans la phytothérapie depuis une dizaine d’années.

Le professeur César Bassène montre un plant de jatropha, plante médicinale dont on extrait aussi du biocarburant.

 

Autre plante star, le vernonia est surnommé « docteur » au Sénégal, tant ses vertus thérapeutiques sont nombreuses : il est préconisé en cas de fatigue, diabète, infections, problèmes de digestion ou cholestérol… Riche en polyphénols qui agissent sur le système cardio-vasculaire et la réparation cellulaire, le vernonia contribue à la santé du système respiratoire.

Outil de recherche essentiel

Dans la ferme agricole, une allée de moringa a également commencé à produire des gousses dont les étudiants viendront récolter les graines ailées que le professeur César Bassène manipule d’une main. Enseignant-chercheur en sciences agronomiques spécialisé en botanique, il est un des porteurs de ce projet : « Le moringa est résistant, facile à répliquer et nutritif. Il est utilisé contre le diabète et ses graines purifient l’eau de mauvaise qualité. C’est une plante à usages multiples ! », s’enthousiasme-t-il.

Des graines de moringa dont on extrait de l’huile connue pour ses vertus thérapeutiques.

 

Ce spécialiste voudrait aller au-delà des dix plantes actuellement sélectionnées. « Nous visons une trentaine d’espèces afin de créer une véritable collection de plantes rares, en voie d’extinction ou menacées à cause de la déforestation et de l’urbanisation », explique-t-il, regrettant le manque d’espace et de moyens disponibles pour développer le projet.

« L’UGB est la deuxième université du Sénégal, mais elle n’a pas de jardin botanique, qui est pourtant un outil pédagogique et de recherche essentiel. Nous souhaitons conserver les plantes vivantes du nord du Sénégal, mais aussi introduire des espèces locales et exotiques afin de les étudier et gérer la biodiversité du monde végétal », poursuit-il.

 

 

 

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Source : Le Monde 

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