A la COP15 contre la désertification, de grandes déclarations mais aucune décision politique majeure

Moins connu que les conférences sur le climat et la biodiversité, ce sommet s’est achevé vendredi à Abidjan sur un bilan mitigé, alors que la moitié de la population mondiale est affectée par le phénomène.

 Le Monde – C’est devant un public clairsemé que s’est achevée, dans la soirée du vendredi 20 mai, la quinzième Conférence des parties (COP15) contre la désertification. Au coup de marteau final porté par Alain-Richard Donwahi, le président ivoirien de la COP15, les délégués des 196 Etats membres de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification ont poliment applaudi, sans euphorie ni effusion de joie, les décisions annoncées à l’issue des discussions entamées onze jours plus tôt, le 9 mai, à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire.

 

Celles-ci prévoient notamment « l’accélération de la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030 », le renforcement « de la résilience face à la sécheresse en identifiant l’expansion des zones arides » et l’amélioration de « l’implication des femmes dans la gestion des terres ». Une attention particulière a d’ailleurs été portée à la question du genre, qui a fait l’objet d’une session entière et d’une déclaration politique commune. Autant d’engagements qui doivent répondre aux défis que constitue la désertification ; un phénomène, qui, selon un rapport publié par l’ONU quelques jours avant le début du sommet, concerne 40 % des terres émergées et affecte d’ores et déjà environ la moitié de l’humanité.

 

A la clôture des travaux, les délégations se félicitaient par ailleurs de la prise en compte, pour la première fois, de la question foncière. Evoquant le cas du Sahel, où la pression sur les terres est très forte, il a été régulièrement rappelé lors des discussions que la mise en place d’un régime foncier constituait un prérequis indispensable à une lutte efficace contre la dégradation des terres, et par conséquent, à la survenance des conflits et des déplacements de populations.

Mais, face à l’urgence et l’ampleur des enjeux, certains délégués ne cachaient pas leur déception. « Nous ne sommes pas à la hauteur, c’est un rendez-vous manqué », regrettait un diplomate ouest-africain dans les couloirs de la Conférence. Comme lui, de nombreux délégués du continent africain espéraient greffer un protocole additionnel sur la sécheresse à la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification.

 

Deux absences remarquées

 

Inspiré du protocole de Kyoto, cet instrument juridique contraignant aurait permis de drainer des financements pour lutter contre la sécheresse et ses conséquences, en plus d’inciter les pays touchés par ce phénomène climatique à mettre en place des plans d’action nationaux comprenant notamment des systèmes d’alerte précoce. Selon nos informations, au cours des négociations, la délégation américaine a opposé un refus net à ce projet de protocole, objectant des aides importantes déjà prévues, selon elle, pour répondre aux aléas provoqués par la sécheresse. En l’absence d’accord, un « groupe de travail intergouvernemental sur la sécheresse » a été créé et le sujet sera à nouveau sur la table des négociations lors de la COP16, qui se déroulera en 2024 en Arabie saoudite.

 

Une décision repoussée qui fait grimacer la société civile. Coordinatrice du réseau Sahel Désertification, un regroupement de plates-formes nationales, Manon Albagnac fustige une « COP pour pas grand-chose, incapable de faire de la question de la sécheresse une priorité absolue ». Désignée par ses pairs, le temps de la COP15, comme représentante des Organisations de la société civile Europe de l’Ouest, la responsable française note toutefois que l’agriculture intensive, première responsable de l’épuisement des sols, a été montrée du doigt et que des modes de production plus durables « ont été valorisés ». Et elle se réjouit de la place accordée, lors de ce sommet, aux organisations non gouvernementales, qui ont notamment pu participer à certains échanges. « Avec près de 100 personnes présentes, nous étions la plus forte délégation », dit-elle.

« Contrairement aux autres COP, ici, il n’y avait pas de crédit carbone à récupérer », a ironisé une responsable de la société civile

Dans le même temps, deux absences ont été remarquées : celles des collectivités territoriales et du secteur privé. Hormis quelques grandes multinationales ayant des activités en Côte d’Ivoire, peu d’entreprises ont fait le déplacement. « Contrairement aux autres COP, ici, il n’y avait pas de crédit carbone à récupérer », a ironisé une responsable de la société civile. Une faible présence que s’explique mal Ibrahim Thiaw, le secrétaire exécutif de la Convention pour la lutte contre la désertification : « La gestion des terres, c’est aussi la production et la transformation agricoles, le privé est donc concerné en premier lieu par cet enjeu. » Résilient, le diplomate onusien mise sur un deuxième tour au Forum de Davos, la semaine prochaine, pour convaincre les décideurs privés de la nécessité de s’engager car, dit-il, « chaque dollar investi sur la restauration des terres génère jusqu’à 30 dollars [environ 28,40 euros] de business ».

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page