
la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Le renouvellement du mandat de la force internationale déployée depuis 2013 pour protéger les populations civiles des violences commises par les groupes armés doit être discuté fin juin à l’ONU. D’ici là, les quelque 14 000 soldats, policiers et civils qui la composent redoutent de devenir les nouveaux « boucs émissaires de Bamako », selon la même source.
– L’annonce, lundi 2 mai, par les autorités de transition maliennes, de la rupture des accords de défense signés avec Paris a eu l’effet d’un coup de semonce. « La France est virée, nous sommes la prochaine cible », confiait le lendemain un membre deUn grand rassemblement « pour dire non au renouvellement du contrat de la Minusma » et « soutenir les opérations des FAMA [forces armées maliennes] » est prévu dans la capitale malienne le 13 mai, à l’initiative du Collectif de défense des militaires (CDM). L’association, réputée proche de la junte au pouvoir, avait déjà été un des fers de lance des manifestations contre la présence de la force antiterroriste française « Barkhane ».
Prise à partie dans l’opinion, la Minusma a également vu se réduire ses conditions d’accès au terrain ces derniers mois. Depuis le début de l’année, chaque patrouille aérienne et terrestre est désormais soumise à la délivrance par Bamako d’une autorisation spécifique qui doit être réclamée entre quarante-huit heures et soixante-douze heures à l’avance. Auparavant, une simple autorisation mensuelle, valant pour toutes les patrouilles, suffisait.
Bamako souffle le froid, mais aussi le chaud
Les raisons invoquées pour justifier ces restrictions imposées aux casques bleus restent floues. Au sein du gouvernement, certains, comme le premier ministre Choguel Maïga, ont déjà accusé des avions de la Minusma de « venir espionner les bases militaires » maliennes, comme il l’avait dénoncé face à la presse le 18 février dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Bamako souffle le froid, mais aussi le chaud. « Le mandat de la Minusma sera renouvelé. Il n’y aura pas de changement notable à ce niveau », déclarait cette fois sur un ton rassurant le même Choguel Maïga devant le Conseil national de transition (CNT, l’organe législatif de la transition), le 21 avril.
Sur le terrain, plusieurs patrouilles terrestres de casques bleus ont, selon nos informations, été sommées de rebrousser chemin par les forces de sécurité maliennes depuis janvier. Des missions de sécurisation et de réconciliation ont également été compromises. Fin avril, un civil, blessé alors que son camion venait de heurter une mine sur une route en direction de Tombouctou, au nord du pays, a bien failli payer de sa vie les nouvelles règles imposées par la junte. « Il allait mourir et il fallait l’évacuer d’urgence en hélicoptère. Mais l’autorisation a mis beaucoup de temps à être accordée », souligne une source onusienne.
Les enquêtes sur les présumées violations des droits de l’homme ouvertes par la Minusma sont elles aussi entravées. Au lendemain des opérations antiterroristes menées par les FAMA et des mercenaires du groupe de sécurité privée russe Wagner à Moura, fin mars, et à Hombori, le 19 avril, les casques bleus ont réclamé des autorisations pour se rendre sur le terrain et enquêter sur des exactions dénoncées par les ONG et les médias. En vain. Les autorités de transition n’ont pas répondu à ces demandes de l’ONU, ni à celle formulée par la mission suite à la découverte d’un charnier à Gossi, le 21 avril.
Les discussions s’annoncent mouvementées
Dans ce contexte, les discussions autour du renouvellement du mandat de la mission s’annoncent mouvementées au Conseil de sécurité de l’ONU. La position de la Russie, dont le partenariat militaire avec Bamako s’est considérablement resserré ces derniers mois, n’est pas encore connue. « Mais on craint qu’elle tente, pour le compte des Maliens, de faire retirer du mandat de la Minusma ce qui gêne Bamako, à commencer par les dispositions visant à protéger les droits de l’homme », glisse une source européenne.
D’autres pays comme la France devraient à l’inverse plaider pour un renforcement du mandat de la mission. Mais « il faut aussi veiller à protéger la Minusma du risque réputationnel, poursuit la même source. Aujourd’hui, la principale inquiétude est que le soutien de la Minusma aux FAMA aboutisse à une collaboration indirecte de la mission avec [le Groupe] Wagner ».
Au-delà du renouvellement du mandat, la question de la poursuite de la participation de certains Etats membres à la Minusma est désormais sur la table. L’Allemagne, premier contributeur européen, hésite à maintenir son contingent de 1 100 hommes depuis que le président français, Emmanuel Macron, a officialisé, mi-février, le retrait de « Barkhane » du Mali. A Berlin, un vote du Parlement doit trancher d’ici à fin mai.
La fin de la mission aurait des conséquences « terribles »
Jusqu’à présent, les forces françaises appuyaient la Minusma en matière de ravitaillement en carburant et d’évacuations sanitaires. Elles étaient aussi autorisées par l’ONU à « user de tous moyens nécessaires (…) pour intervenir à l’appui d’éléments de la Mission en cas de menace grave et imminente », comme le précise la résolution 2584 de juin 2021. Mais une fois que l’opération antiterroriste « Barkhane » aura définitivement plié bagage, l’Allemagne comme d’autres pays engagés au Mali, redoute le vide sécuritaire et une recrudescence des attaques terroristes. Qui pourra alors lutter efficacement contre les djihadistes ?
Au nord du pays, les FAMA sont peu présentes et peinent à protéger les civils tandis qu’au centre, les accusations d’exactions se multiplient à leur encontre. La Force conjointe du G5 Sahel, créée en 2017 dans la zone dite « des trois frontières » – à cheval sur le Mali, le Niger et le Burkina Faso –, n’a montré que peu de résultats probants et la Minusma, elle, n’a pas pour mandat de lutter contre les groupes djihadistes.
« Il nous faut combattre le terrorisme avec des forces antiterroristes robustes et seuls les Africains auront la capacité de le faire », a affirmé Antonio Guterres, le 4 mai. Dans une interview accordée à Radio France internationale, le secrétaire général de l’ONU a appelé à la création d’une « force de l’Union africaine, avec mandat du Conseil de sécurité sous chapitre VII et avec un financement obligatoire ».
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