L’exercice militaire qui faillit déclencher une guerre nucléaire entre Américains et Soviétiques

En 1983, l'URSS prit un exercice de l'OTAN bien trop au sérieux et prépara ses propres missiles nucléaires.

Slate – Parfois, il suffit d’une étincelle. «Able Archer 83», c’est le nom de cet exercice militaire que l’OTAN organisa en novembre 1983 et qui eut pour conséquence d’intensifier encore un peu plus la Guerre froide qui durait depuis déjà plus de trente ans. Les Soviétiques, inquiets que cette mise en scène soit une couverture pour réaliser une vraie frappe nucléaire sur leur territoire, préparèrent leurs propres armes. Smithsonian Magazine revient sur cette escalade militaire qui aurait vraiment pu dégénérer.

«En réponse à cet exercice, les Soviétiques ont préparé leurs forces, y compris nucléaires, d’une manière qui a effrayé les décideurs de l’OTAN jusqu’à Ronald Reagan lui-même», relate Nate Jones, auteur de Able Archer 83: The Secret History of the NATO Exercise That Almost Triggered Nuclear War. («L’histoire secrète de l’exercice de l’OTAN qui a failli dégénérer en guerre nucléaire», en français).

Il faut dire que le scénario de l’exercice était tout à fait inquiétant et visiblement plutôt réaliste, puisqu’il devait justement simuler le début d’une guerre nucléaire. Il s’agissait d’imaginer ce qui se produirait si un changement de leadership soviétique avait lieu, conduisant à l’invasion par l’URSS de plusieurs pays européens.

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que le véritable danger de la réaction soviétique était sous-estimé pendant l’exercice. Un rapport du Conseil consultatif du renseignement étranger pour le président datant de 1990 et déclassifié depuis, concluait: «En 1983, nous avons peut-être par inadvertance placé nos relations avec l’Union soviétique sur une gâchette.»

 

Un dangereux malentendu

Alors que se met en place l’exercice, des observateurs soviétiques repèrent, sortant de hangars de l’OTAN, des avions qui semblent contenir des ogives nucléaires. Puis, à l’Ouest, les différents centres de commandement échangent des informations qui indiqueraient que les Soviétiques utilisent des armes chimiques. Les États-Unis décident donc de passer à la catégorie de menace nucléaire la plus élevée: DEFCON 1 (DEFCON 2, le stade de gravité inférieur, avait été déclaré au plus fort de la crise des missiles de Cuba deux décennies auparavant). C’est ainsi que les Soviétiques ont préparé de leur côté leurs armes nucléaires.

Après la Détente des années 1970, la Guerre froide a repris de l’intensité avec l’élection de Ronald Reagan aux États-Unis en 1981 et l’arrivée au pouvoir de Iouri Andropov en URSS. Juste après son élection, le président américain doubla le budget de la Défense. De son côté, le dirigeant soviétique n’était autre que l’ancien directeur du KGB, responsable de l’opération RYAN, dont le but était de réunir toutes les informations sur les intentions supposées de Reagan de lancer une attaque nucléaire. En tant que signe d’opération imminente, Able Archer 83 rassemblait tous les critères.

De leur côté, les Américains ont alors supposé, à tort, que les Soviétiques savaient qu’ils ne préparaient aucune attaque, mais qu’il s’agissait d’un stratagème pour ralentir le renforcement de la défense américaine. Ainsi s’est mis en place le cercle vicieux: les Soviétiques refusaient de croire que les Américains bluffaient, tandis que ces derniers pensaient que les Soviétiques bluffaient en laissant penser qu’ils ne croyaient pas à un exercice.

Ajoutez à cela l’apparente réalité de l’exercice, comprenant des ogives factices, le renforcement de DEFCON, et les modèles de communication qui impliquaient des moments de silence radio, alimentant donc les soupçons, et vous obtenez la paranoïa la plus intense du côté soviétique, qui n’hésita pas à mettre ses 11.000 ogives nucléaires en alerte maximale de combat. Aujourd’hui, les chercheurs débattent encore de la dangerosité de cette conjoncture. Ce qui est sûr, c’est que les enjeux étaient tels que la plus grande prudence était naturellement de mise.

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Repéré par Nina Bailly

Repéré sur Smithsonian Magazine

Source : Slate (France)

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