
Courrier international – Mobilisations, enquête, limogeage du directeur d’un hôpital public… La mort en couches, le 7 avril, d’Astou Sokhna continue de faire des vagues au Sénégal. Quatre sages-femmes ont été placées en détention provisoire ce mercredi 20 avril pour “non-assistance à personne en danger”.
“Hausse de la température : 4 sages-femmes sous mandat de dépôt”, titre Le Quotidien à propos de l’“affaire Astou Sokhna”. Cette femme de 34 ans est décédée en couches le 7 avril à la maternité de l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga, à environ 200 kilomètres au nord de Dakar. Alors qu’elle aurait réclamé en vain une césarienne, ses derniers mots ont fait le tour de la Toile : “Opérez-moi, car je ne sais pas si je serai encore là demain.”
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Astou Sokhna n’a pas bénéficié d’assistance médicale”, accuse le quotidien sénégalais Libération dès le 11 avril. Dans la foulée, sa famille dépose plainte pour négligence médicale. Le 13 avril, le directeur de l’hôpital est limogé lors du Conseil des ministres, au cours duquel le président Macky Sall met l’accent sur “la modernisation des hôpitaux et centres de santé”.
Le lendemain, c’est le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, qui dégaine : “Le décès maternel […] était évitable.” Enfin, le 15 avril, des centaines de manifestants, selon Le Quotidien, se rassemblent devant la mairie de Louga (voir la vidéo ci-dessous). Leurs slogans : “Droit à la bonne santé”, “Femme est différente de bétail”, “Brisons le silence”, “Nafi Yam” (“Stop” en wolof, la langue nationale).
Une manifestation pour demander justice pour Astou Sokhna, le 15 avril à Louga. CAPTURE ÉCRAN / YOUTUBE /@TFM
Les “nombreuses” Astou Sokhna
“Le décès maternel de Mme Astou Sokhna (paix à son âme) a interpellé et choqué tout le pays, y compris le plus haut sommet de l’État, ce qui lui a valu un traitement spécial”, analyse le site Seneplus. Il relève “la diligence” avec laquelle le dossier a été géré, avec notamment cette “mission d’évaluation de 18 personnes à qui il a été instruit de soumettre un rapport dans les quarante-huit heures au président de la République”.
“Que n’a-t-on pas entendu comme témoignages de femmes enceintes […] qui ont souffert le martyre dans les salles d’accouchement, qui (sont) transportées sur des charrettes de fortune en milieu rural, sans compter celles qui se contentent des services d’une accoucheuse traditionnelle”, résume Seneplus. De quoi “interroger la place de la santé dans nos politiques”, voire convoquer “des états généraux de la santé pour mettre à plat tout le système”.
Certes, rappelle-t-il, le Sénégal a progressé en matière de lutte contre la mortalité maternelle. Le pays enregistre aujourd’hui un taux de 216 décès pour 100 000 naissances. Cependant, “est-ce admissible, au XXIe siècle, pour un pays en phase d’émergence, nous dit-on, de voir des femmes enceintes mourir en donnant la vie ? ”.
Agnès Faivre
Source : Courrier international
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