L’Union africaine condamne les coups d’État, mais évite le débat sur Israël, lors de son sommet annuel

Le président de la Commission avait accepté en juillet l’accréditation d’Israël. Une décision qui a secoué l’organisation, certains pays membres estimant qu’elle allait à l’encontre des déclarations de l’UA en faveur des territoires palestiniens.

Le Monde – Du Burkina Faso au Soudan notamment, les coups d’Etat se sont multipliés récemment sur le continent africain. Ce contexte militaire a été la toile de fond du sommet annuel de l’Union africaine (UA), qui s’est tenu samedi 5 et dimanche 6 février, à Addis-Abeba, capitale éthiopienne et siège de l’organisation depuis dix ans.

Parmi les nombreux sujets évoqués, les coups d’Etat qui ont secoué le continent durant l’année écoulée ont fait l’unanimité contre eux. Lors de la réunion du Conseil de paix et de sécurité, « chaque dirigeant africain de l’assemblée a condamné sans équivoque (…) la vague de changements anticonstitutionnels de gouvernement », a déclaré son dirigeant, Bankole Adeoye. L’UA « ne tolérera aucun coup d’Etat militaire sous quelque forme que ce soit », a-t-il ajouté, rappelant que tous les pays ayant connu des putschs ont été suspendus.

« A aucun moment dans l’histoire de l’Union africaine nous n’avons eu quatre pays suspendus en douze mois : le Mali, la Guinée, le Soudan et le Burkina Faso », a-t-il ajouté. Lors d’un discours samedi, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, avait également évoqué la « funeste vague » de coups d’Etat, et souligné des « liens de causalité connus » avec le terrorisme.

 

Le débat concernant l’accréditation d’Israël suspendu

L’UA a, en revanche, choisi de ne pas afficher ses dissensions sur le sujet hautement sensible de l’accréditation d’Israël. Moussa Faki l’avait accepté en juillet, conférant à l’Etat hébreu un statut d’observateur auprès de l’organisation aux 55 Etats membres. Plusieurs d’entre eux, dont l’Afrique du Sud et l’Algérie, s’étaient insurgés, estimant que ce choix allait à l’encontre des déclarations de l’organisation soutenant les territoires palestiniens.

Les deux pays ont fait pression pour inscrire ce sujet à l’ordre du jour du sommet. Un débat était prévu dimanche après-midi, mais il a été « suspendu », ont annoncé des sources diplomatiques à l’Agence France-Presse (AFP). A la place, un comité va être créé « pour étudier la question ». Celui-ci comprendra l’Afrique du Sud et l’Algérie, mais aussi le Rwanda et la République démocratique du Congo, qui soutiennent la décision de Faki, ainsi que le Cameroun et le Nigeria, selon les diplomates interrogés.

 

Le ministère des affaires étrangères israélien a estimé que l’UA « a[vait] rejeté les tentatives de l’Algérie et de l’Afrique du Sud de révoquer l’acceptation de l’Etat d’Israël en tant qu’observateur », dans un communiqué annonçant que les conclusions du nouveau comité seront connues lors du prochain sommet de l’UA, en 2023. Ce report évite la possibilité d’un vote qui, selon de nombreux analystes, aurait pu provoquer une scission sans précédent dans l’histoire de l’UA, qui fête ses 20 ans.

Dans un discours à huis clos samedi, Moussa Faki a justifié sa décision, rappelant que 44 Etats membres « reconnaissent Israël et ont établi des relations diplomatiques avec cet Etat ». Une accréditation d’Israël, octroyée depuis 2013 aux territoires palestiniens, s’inscrit également « dans le soutien solennel à la solution des deux Etats », a-t-il affirmé. Dans un discours samedi, le premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, avait demandé aux dirigeants africains de retirer l’accréditation d’Israël, estimant que l’Etat ne doit pas être « récompensé » pour son « régime d’apartheid », reprenant une formule d’un récent rapport d’Amnesty International.

Moussa Faki a assuré que l’engagement de l’UA dans la « quête d’indépendance » des Palestiniens était « immuable et ne peut que continuer à se renforcer ». Mais l’accréditation d’Israël peut constituer, selon lui, « un instrument au service de la paix ». Les Etats non africains accrédités peuvent assister à certaines conférences, accéder à des documents non confidentiels de l’UA et présenter des déclarations lors de réunions les concernant.

Position délicate sur la guerre en Ethiopie

Il n’est pas aisé de savoir si le sommet, dont la plupart des sessions se sont déroulées à huis clos, a abordé la question de la guerre qui fait rage dans le pays hôte. Le nord de l’Ethiopie est, en effet, ravagé depuis quinze mois par un conflit entre forces progouvernementales et rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui a fait des milliers de morts et, selon l’Organisation des nations unies (ONU), mené des centaines de milliers de personnes au bord de la famine.

Bankole Adeoye a assuré que « toutes les situations de conflit étaient à l’agenda du sommet ». L’UA se trouve dans une position particulièrement délicate en ce qui concerne ce conflit. M. Faki a attendu le mois d’août – neuf mois après le début des combats – pour nommer l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo comme envoyé spécial chargé de mettre en place un cessez-le-feu.

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