Le Monde -« Indignation », « honte », « lâcheté ». Une sculpture en hommage à l’émir Abdelkader (1808-1883) a été vandalisée avant son inauguration, samedi 5 février, à Amboise (Indre-et-Loire), suscitant une large condamnation, a constaté sur place un journaliste du Monde. C’est dans cette commune d’Indre-et-Loire que le héros national algérien avait été détenu avec plusieurs membres de sa famille de 1848 à 1852.
L’œuvre intitulée Passage Abdelkader, qui représente l’émir Abdelkader découpé dans une feuille d’acier rouillé, a été largement abîmée au niveau de la partie basse de la structure.
#FranceAlgérie. A Amboise, la statue en acier représentant l’Emir Abdelkader endommagée dans la nuit avant son inau… https://t.co/Dd6Ln3OxvB
— FrdricBobin (@Frédéric Bobin)
« L’œuvre a été dégradée pendant la nuit, découpée par une meuleuse, sous la taille d’Abdelkader. Cette partie a été découpée et tordue, cela fait un énorme trou sur l’œuvre. La gendarmerie faisait des rondes jusqu’à 4 heures du matin, donc ça a eu lieu après », a précisé au Monde Hélène Mauranges, directrice générale des services de la ville d’Amboise.
Le procureur de Tours, Grégoire Dulin, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « dégradation grave de bien destiné à l’utilité publique et appartenant à une personne publique ».
« Le combat pour l’amitié entre la France et l’Algérie continue »
Sur place, le maire d’Amboise, Thierry Boutard, a dénoncé un « saccage ignoble » dans une « période où certains se complaisent dans la haine des autres ».
« J’ai eu honte qu’on traite une œuvre d’art et un artiste de cette sorte. Le deuxième sentiment est, bien sûr, l’indignation. C’est une journée de concorde qui doit rassembler et un tel comportement est inqualifiable », a-t-il commenté auprès de l’AFP. Le maire a également fait savoir que l’œuvre serait « restaurée et refaite ». L’artiste a estimé que la sculpture pouvait être refaite d’ici un mois.
Etaient également présents samedi matin pour l’inauguration, le sculpteur Michel Audiard, la sénatrice LR Isabelle Raimond-Pavero, le député LRM Daniel Labaronne, ainsi que le président LR du conseil départemental, Jean-Gérard Paumier.
L’artiste Michel Audiard a confié sa peine de voir son œuvre en partie détruite. « C’est réellement un saccage prémédité. Il faut une disqueuse, il faut couper, il faut tordre. C’est un acte de lâcheté, (…) ce n’est pas signé, c’est gratuit. On était là pour fêter un personnage emblématique dans la tolérance, et là, c’est un acte intolérant. Je suis atterré », a-t-il lâché.
Egalement présent à la cérémonie et revenu tout récemment à Paris après la crise ouverte par des propos du président de la République, Emmanuel Macron, l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud a réagi sur un ton d’apaisement :
« Le combat pour l’amitié entre la France et l’Algérie continue, pour faire de la Méditerranée non pas un lac de divisions mais un lac de paix partagée. Il faudra panser la blessure de ce qui n’est qu’un acte de vandalisme. »
Abdelkader, une figure de tolérance
Cette œuvre avait été proposée par l’historien Benjamin Stora dans son rapport sur « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », remis à Emmanuel Macron en janvier 2021. M. Stora a dénoncé samedi « l’obscurantisme et l’ignorance » de ceux qui ont vandalisé la sculpture, appelant à ce que l’inauguration soit maintenue et la statue restaurée.
« Je suis pour le maintien de l’inauguration coûte que coûte. Il faut reprendre le travail, faire en sorte que la statue soit relevée et que ne triomphent pas ceux qui sont dans l’obscurantisme, l’analphabétisme et l’ignorance », a-t-il estimé, jugeant l’acte de vandalisme « consternant ».
L’émir Abdelkader Ibn Mahieddine (1808-1883) est une figure de l’histoire de l’Algérie. Celui qui était surnommé « le meilleur ennemi de la France » a joué un grand rôle dans le refus de la présence coloniale française en Algérie. Il est considéré comme l’un des fondateurs de l’Algérie moderne.
Source : Le Monde –