CAN 2022 : « Malgré des joueurs impressionnants, le football africain est pris de haut »

Dans cette chronique, l’écrivain Mabrouck Rachedi s’agace des attaques dont la Coupe d’Afrique des nations fait l’objet, notamment de la part des clubs européens.

Le Monde – Chronique. Comme tous les deux ans, les attaques ont repris contre la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Entre Jürgen Klopp, le coach de Liverpool, qui la traite de « petite compétition », Frédéric Antonetti, qui se plaint que son équipe, le FC Metz, soit déplumée, le club anglais Watford qui a tenté de prendre en otage le Sénégalais Ismaïla Sarr et les rumeurs plus ou moins organisées qui ont circulé sur son annulation possible, on a eu droit à un festival pour dézinguer la CAN.

Il faut dire que la « petite compétition » est pleine de « petits joueurs » : Mohamed Salah, Sadio Mané, Edouard Mendy, Pierre-Emerick Aubameyang, Riyad Mahrez, Achraf Hakimi… Que des « cireurs de banc » dans des équipes de seconde zone : Liverpool, Chelsea, Arsenal, Manchester City, Paris-Saint-Germain… Et quand Antonetti fulmine en menaçant de ne plus recruter de joueurs africains, il peut se le permettre : ce ne sont « que » sept ou huit joueurs de son effectif qui sont concernés par la CAN, il est évident qu’il pourra en trouver d’aussi bons à chaque coin de rue…

On pourrait se demander pourquoi les clubs européens ne dégainent pas aussi vite leur sulfateuse pour canarder les autres compétitions. Prenons par exemple les qualifications de la Copa America. Les internationaux sud-américains s’envolent tout au long de l’année pour les disputer. Des voyages de plusieurs milliers de kilomètres, agrémentés d’un décalage horaire, qui leur font manquer au total plus de journées de championnat que la CAN. Et on ne parle pas du troisième gardien du Royal Excel Mouscron ou de l’ancienne gloire en préretraite au Mumbai City FC : il est question de superstars comme Messi, Neymar, Suarez, Vinicius Junior, etc.

Et pourquoi pas reporter l’Euro, tant qu’on y est ? Nombreux sont les joueurs qui connaissent une saison en dents de scie après cette compétition. En pleines vacances d’été, celle-ci prive les clubs de joueurs majeurs qui débutent au même moment leur championnat. Et quand ils ne reviennent pas blessés, ils ont moins de temps de récupération…

Mohamed Salah et Sadio Mané, des irresponsables ?

Tous les joueurs le savent : l’équipe nationale, c’est sacré. Un Messi blessé qui manque des matchs de Ligue 1 mais qui s’envole en Argentine pour participer à des matchs internationaux ne provoque que la réaction agacée d’une poignée de supporteurs du PSG. Kevin de Bruyne est un Belge courageux et patriote parce qu’il a joué diminué contre l’Italie à l’Euro. Et que dire de Zinedine Zidane lors du Mondial 2002 ? Un héros qui a dribblé sur une jambe pour essayer de sauver une nation à la dérive.

Oui mais curieusement, quand il s’agit des Africains, ce sont les clubs qui sont sacrés. Ainsi, à écouter leurs dirigeants, Mohamed Salah et Sadio Mané – en pleine forme et en pleine santé – sont des irresponsables qui mettent en péril la saison de leur équipe de Liverpool parce qu’ils se rendent à la CAN.

La CAN aurait dû avoir lieu à l’été 2021, mais le Covid-19 est passé par là. La pandémie est devenue un prétexte pour questionner le maintien de la compétition. Rappelons que l’Afrique a été moins meurtrie par le virus que l’Europe et qu’en cette période, il circule moins que sur le « vieux continent ». Pourtant, les stades européens qui accueillaient des spectateurs non vaccinés sans jauge il y a quelques mois suscitaient moins d’inquiétudes.

En toute logique, le Cameroun, pays organisateur, aurait été fondé à demander des mesures d’encadrement des joueurs venus d’Europe pour participer à son tournoi. Mais ce sont les clubs européens qui ont obtenu de la FIFA de conserver leurs athlètes plus longtemps avant qu’ils rejoignent leurs sélections. Avec le risque qu’ils attrapent le Covid et qu’ils manquent la CAN.

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Mabrouck Rachedi

est un écrivain franco-algérien dont la passion du football est née à 6 ans lors du match Algérie-RFA de la Coupe du monde 1982. Prochain roman : Tous les mots qu’on ne s’est pas dits, éd. Grasset, le 26 janvier.

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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