Une Indienne vivant dans un bidonville revendique la propriété d’un palais impérial

Paris Match Une Indienne de 68 ans vivant dans un bidonville de Calcutta se bat pour faire reconnaître son statut impérial et revendique la propriété du Fort Rouge de New Delhi, comme héritage de son défunt mari qui se disait l’arrière-petit-fils du dernier souverain de l’empire musulman moghol.

«Pouvez-vous imaginer que les descendants des Empereurs qui ont construit le Taj Mahal vivent aujourd’hui dans une immense pauvreté?», a confié Sultana Begum à l’AFP. Cette Indienne de 68 ans se trouve dans le plus grand dénuement depuis la mort, en 1980, de Mohammad Bedar Bakht, son époux qui affirmait être l’arrière-petit-fils du dernier souverain de l’empire musulman moghol, Bahadur Shah Zafar qui régna de 1837 à 1857. Aussi, se revendiquant l’héritière de la dynastie qui a fait bâtir le mythique mausolée indien, plus grand joyau architectural de l’art indo-islamique, la sexagénaire, qui habite actuellement dans un minuscule appartement d’un bidonville de Calcutta, revendique-t-elle la propriété de ce qui lui revient à ce titre.

Sultana Begun le 22 décembre 2021 dans son minuscule appartement d’un bidonville de Calcutta © DIBYANGSHU SARKAR / AFP

 

Depuis une décennie, un seul objectif l’anime: faire reconnaître son statut impérial et obtenir une indemnité financière en conséquence. Tenace, Sultana Begum, qui est soutenue dans sa démarche par des militants, a intenté une action en justice pour être reconnue comme la propriétaire légitime du Fort Rouge de New Delhi. Cet immense palais-fort du XVIIe siècle, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, représente l’apogée de la créativité moghole. «J’espère obtenir justice (…) Quand quelque chose appartient à quelqu’un, il faut le lui rendre», affirme-t-elle. La procédure qu’elle a engagée repose sur le fait que, selon elle, le gouvernement indien occupe illégalement ce palais dont elle aurait dû hériter. Mais la semaine dernière, la Haute Cour de Delhi a rejeté sa demande, la qualifiant d’«immense perte de temps», sans pour autant se prononcer sur la légitimité de sa revendication en tant que descendante d’une monarchie. Le tribunal a notamment estimé que ses avocats ne sont pas parvenus à justifier la raison pour laquelle une telle affaire n’a pas été portée en justice par les descendants de Bahadur Shah Zafar au cours des 150 ans qui se sont écoulés depuis son exil.

Le Fort Rouge est le symbole de l’indépendance de l’Inde

Lors du couronnement de Bahadur Shah Zafar en 1837, le pouvoir des Moghols se limitait à New Delhi et sa périphérie, après notamment la colonisation de l’Inde par les Britanniques. Vingt ans plus tard, quand éclate la première guerre d’indépendance contre la Compagnie anglaise des Indes orientales, les mutins désignent Bahadur Shah Zafar chef de cette insurrection. L’Empereur, qui était plus enclin à écrire des poèmes qu’à faire la guerre, savait ce soulèvement voué à l’échec. En un mois, l’armée britannique avait encerclé Delhi et écrasé la révolte, exécutant les dix fils survivants de Zafar Bahadur Shah en dépit de sa reddition. L’Empereur avait alors été exilé vers la Birmanie, où il était mort cinq ans plus tard en captivité et dans une grande misère. De nombreux bâtiments du Fort Rouge avaient été démolis dans les années qui avaient suivi ce soulèvement et le palais était tombé en ruine avant que les autorités coloniales n’ordonnent sa rénovation au début du XXe siècle. Depuis, il est le symbole de l’indépendance de l’Inde. Le 15 août 1947, jour de l’indépendance du pays, le Premier ministre Jawaharlal Nehru avait hissé le drapeau national depuis la porte principale du fort, une cérémonie désormais annuelle.

Mais Sultana Begum ne lâche rien et continue son combat. Son avocat, Vivek More, a affirmé à l’AFP qu’il entend «déposer une requête devant une instance supérieure afin de contester l’ordonnance». La sexagénaire n’a jamais connu les ors d’un palais, même lorsqu’elle vivait avec son mari, qu’elle a épousé en 1965 à l’âge de 14 ans. Il avait 32 ans de plus qu’elle. Devin de profession, il n’a jamais pu subvenir financièrement aux besoins de sa famille. «La pauvreté, la peur et le manque de ressources l’ont poussé au bord du gouffre», a expliqué à l’AFP Sultana Begum, qui vit avec l’un de ses petits-enfants dans un minuscule deux pièces d’un bidonville.

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Dominique Bonnet avec AFP

Source : Paris Match

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