
sommet pour la démocratie convoqué en décembre par le président des Etats-Unis, Joe Biden. Un indice parmi d’autres des impasses qui font du Proche-Orient l’une des parties du monde où les espoirs de changement sont invités à passer leur chemin.
– Chronique. Aucun pays arabe n’a été invité auImplosion lente et continue du Liban, poursuite d’une guerre dévastatrice au Yémen, férule toujours plus impitoyable des régimes autoritaires en place, les derniers mois écoulés n’ont cessé d’alimenter une chronique en désespérance déjà fort bien remplie. Elle pousse au départ chaque année des dizaines de milliers de migrants. Inutile de se tourner vers l’autre partie de la sphère arabo-musulmane, en Afrique du Nord, pour trouver de meilleures perspectives. L’impasse libyenne, le coup de force institutionnel du président tunisien, Kaïs Saïed, et les tensions entre l’Algérie et le Maroc n’invitent pas plus à l’optimisme.
Les raisons de ce malheur proche-oriental sont multiples. On peut toutefois en identifier trois principales qui ont continué de produire leurs effets tout au long de l’année 2021. La première réside dans la résistance à la démocratisation de la part de régimes qui empêchent méthodiquement que les contestations auxquelles ils font face soient arbitrées pacifiquement par leurs concitoyens dans le cadre d’élections libres. A l’exception notable d’Israël, d’ailleurs convié au sommet voulu par Joe Biden, cette impossibilité empêche de sanctionner des choix politiques lorsqu’ils s’avèrent dévastateurs.
Enfermement communautaire
La région est devenue, au fil des répressions, un champion mondial en termes de prisonniers politiques, avec comme figure de proue l’Egypte, où ils se comptent par dizaines de milliers. L’une des rares personnalités des sociétés civiles arabes invitées à s’exprimer en marge du sommet virtuel de Joe Biden, le militant égyptien pour les droits de l’homme Mohamed Zaree, est d’ailleurs la cible d’une interdiction de quitter son pays. La répression intrapalestinienne en Cisjordanie, qui s’ajoute à celle plus ancienne en vigueur à Gaza, en est une dernière illustration.
Lorsque des élections se tiennent, comme celles prévues au Liban en 2022, ou bien celles qui se sont tenues en Irak en octobre, elles institutionnalisent un enfermement communautaire qui empêche l’expression d’une volonté générale et la recherche d’un bien commun. Partout ailleurs règnent les hommes forts, souverains absolus ou dictateurs, qui justifient leur emprise sur ce qui tient lieu d’institutions comme sur les rouages économiques de leur pays au nom d’une stabilité qu’ils seraient les seuls à garantir.
Dans le cas syrien, la permanence du clan Assad a été payée au prix d’une guerre civile de dix ans et de la dévastation du pays, sans doute pour longtemps. Lorsqu’il s’est exprimé lors du sommet pour la démocratie, l’Egyptien Mohamed Zaree a rappelé que la stabilité serait plus sûrement obtenue si les pouvoirs en place rendaient des comptes, ce qui est nulle part au programme dans la région.
Influences extra-régionales
La deuxième explication des impasses arabes tient à la disparition au sein de cette aire géographique d’Etats suffisamment puissants pour jouer un rôle de régulateur sur les périphéries les plus instables. Longtemps géant politique, militaire et culturel du monde arabe, l’Egypte a perdu depuis longtemps ce rôle de métronome sans qu’il puisse être repris par d’autres, comme en témoignent les affaiblissements irakien et syrien. Quant à la Ligue arabe, elle demeure une Société des nations proche-orientale dont on aurait oublié de rendre public le décès.
Ce vide abyssal a ouvert la voie à d’autres influences extra-régionales, qu’elles soient turques ou iraniennes, voire russes. Mais ces pays, comme avaient pu le faire avant eux les Etats-Unis, interviennent en fonction d’intérêts qui ne sont pas ceux des peuples de la région. Il s’agit là du troisième malheur qui frappe la région. Le Proche-Orient n’apparaît plus en mesure désormais d’écrire sa propre histoire. Il est ballotté au gré des calculs stratégiques des grandes puissances.
Débarrassée pour l’instant de la menace longtemps constituée par des groupes djihadistes, que les régimes autoritaires proche-orientaux ont souvent instrumentalisés, tout comme l’islam politique, pour justifier leur main de fer, l’administration de Joe Biden s’inscrit dans la volonté de désengagement des équipes précédentes. A quelques nuances près. L’exaltation des vertus des démocraties par rapport aux régimes autoritaires n’a pas empêché le président des Etats-Unis de reconduire l’essentiel de l’aide américaine à l’Egypte en dépit de son détestable bilan. Ni de poursuivre, avec l’appui du Sénat, un contrat de vente d’armes au royaume saoudien malgré la quarantaine imposée au prince héritier Mohammed Ben Salman, considéré comme l’instigateur de l’assassinat du dissident Jamal Khashoggi.
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