La société sénégalaise reste très conservatrice

Jeune AfriqueDerrière le débat en cours sur l’avortement médicalisé, c’est tout le conservatisme de la société sénégalaise qui se trouve questionné. Un immobilisme hérité de la période coloniale et qu’il appartient à tous les citoyens, hommes et femmes, de bousculer enfin.

Au Sénégal, la question des droits des femmes a traversé toutes les générations militantes, de 1960 à nos jours.

Les premières militantes féministes ont vécu à une époque où déconstruire l’idéologie patriarcale était considéré comme un aveu d’opposition aux religions et aux cultures locales. Les défis pour les femmes de cette époque étaient énormes, car les sociétés africaines venaient de sortir d’un colonialisme qui avait affecté lourdement les attitudes et les comportements des hommes et des femmes.

En tant que jeunes féministes et africaines, nous pensons que l’impact de la colonisation sur les hommes africains fait partie des champs d’études encore peu explorés, mais qui, bien référencés, pourraient servir à renforcer le plaidoyer en faveur des droits fondamentaux des femmes et des filles. Car il y a un paradoxe : beaucoup, en Afrique, ont tendance à estimer que les revendications féministes sont inspirées par l’Occident, mais au temps de la colonisation, le modèle imposé par les colons occidentaux était patriarcal.

Des chercheuses, poètes, journalistes, sociologues, pionnières du féminisme sénégalais telles que Fatou Sow, Awa Thiam, Marie-Angélique Savané ou Mariama Bâ sont revenues sur le modèle social africain qui a été matrilinéaire. Une forme d’organisation sociale qui n’opprimait pas les femmes, ni les hommes d’ailleurs, un modèle social équilibré et propre aux peuples africains.

Les femmes sénégalaises militantes ont capitalisé plus de soixante ans de lutte pour l’élimination des violences dont les femmes et les filles sont victimes. Notre pays a persévéré et évolué de revendication en revendication, et ce dans tous les domaines de la vie. Bien que le code sénégalais de la famille reste encore très discriminatoire, il faut reconnaître aux militantes pionnières le mérite d’avoir porté, en 1972, la voix des femmes dans le processus d’adoption du nouveau code, une dynamique qui avait opposé plusieurs groupes sociaux et religieux à cette époque.

À ce jour, nous avons assisté à une réhabilitation juridique du statut de la femme sénégalaise. La Constitution réaffirme son attachement à toutes les conventions internationales et régionales qui garantissent la promotion et la protection des droits des femmes et des filles. Bien des mouvements féminins et féministes ont contribué à donner aux femmes cette place qu’elles occupent dans la société sénégalaise, une société encore très conservatrice et fidèle aux normes patriarcales.

Depuis deux ans, des groupes de jeunes féministes sont en effervescence au Sénégal. Les revendications pour l’avancement des droits des femmes portent encore sur des sujets extrêmement tabous, comme les droits sexuels des femmes, le droit à l’avortement médicalisé en cas d’inceste et de viol, le caractère politique du féminisme… La volonté de maîtriser le corps des femmes reste une réalité dans notre société patriarcale.

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Maimouna Astou Yade

Présidente de JGEN Sénégal, Féministe, juriste

 

 

 

 

 

 

Source : Jeune Afrique

 

 

 

 

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