Au sommet du G20, le risque d’un antagonisme Nord-Sud qui préfigure la COP26

Les négociations climatiques devraient être abordées lors du sommet, samedi et dimanche à Rome, entre les vingt principales économies de la planète, qui sont aussi les principales émettrices de gaz à effet de serre dans le monde, avec un risque d’affrontement entre les pays du Nord et du Sud.

 Le Monde  – C’était un risque avant le sommet du G20, réuni samedi 30 et dimanche 31 octobre à Rome. Cela pourrait le rester lors de la COP26 de Glasgow organisée dans la foulée. A l’occasion de ces deux grands rendez-vous multilatéraux, les négociations climatiques menaçaient de dégénérer en un affrontement entre les pays riches et les pays émergents. Parmi les trois pays attendus au tournant figurent la Chine de Xi Jinping, l’Inde de Narendra Modi et le Brésil de Jair Bolsonaro, trois dirigeants autoritaires, soucieux de développer leur économie, surtout après la pandémie, et prompts à mettre leur souveraineté en avant quand il s’agit de défendre leurs intérêts.

« La possibilité qu’ils partent en croisade, en se faisant les porte-parole des pays les plus pauvres, en particulier africains, existe. Il faut tout faire pour éviter ce type de clivage », observe un diplomate occidental au fait des discussions. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Emmanuel Macron s’est empressé, samedi, de rencontrer le premier ministre indien Modi, afin de « l’arrimer » aux discussions climatiques, comme l’a expliqué l’Elysée avant le G20.

L’enjeu est d’autant plus au cœur du sommet des vingt principales économies de la planète qu’il s’achèvera au moment où débute la 26e conférence des Nations unies sur le climat. Près de 30 000 personnes, issues de 196 pays, se rassembleront à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre, pour une négociation cruciale afin d’accélérer la lutte contre le changement climatique. Sitôt le G20 fini, les dirigeants des grandes puissances s’envoleront en effet de Rome vers la cité écossaise où 120 chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus lundi et mardi. Xi Jinping sera absent, mais participera par visioconférence.

 

Limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C

 

« Cette concomitance est très importante. C’est là que pourraient se cristalliser les équilibres », juge le ministère français de la transition écologique. « Une issue positive permettrait d’arriver à Glasgow avec un élan et l’espoir de réussir à contenir le réchauffement climatique », abonde Alden Meyer, expert au centre de réflexion E3G et fin connaisseur des négociations climatiques.

Pour qu’il serve véritablement de rampe de lancement à la COP, le G20 est attendu sur plusieurs questions, la négociation ressemblant à un vaste puzzle dont les pièces sont encore dispersées. D’abord, reconnaître la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Il s’agit de l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris sur le climat, scellé en 2015, qui prévoit également de contenir le réchauffement « bien en deçà » de 2 °C. La présidence britannique de la COP26 a fait de cet objectif sa priorité : « To keep 1,5 °C alive » (« garder en vie le 1,5 °C »).

« On a fait des progrès pour considérer que c’est un objectif central, mais il y a beaucoup de résistances au sein du G20 », note Laurence Tubiana, la directrice de la Fondation européenne pour le climat et architecte de l’accord de Paris. Nombre de pays freinent des quatre fers, tels que l’Inde, la Russie ou l’Arabie saoudite. « L’objectif de 1,5 °C, ce n’est pas une fantaisie, c’est une question de survie pour beaucoup de pays comme les petites îles et le GIEC a rappelé qu’à 1,5 °C, les impacts seront moins dévastateurs qu’à 2 °C », affirme-t-elle.

80 % des émissions de gaz à effet de serre

 

 

Les grandes puissances doivent également accroître leurs engagements climatiques. A la COP26, tous les Etats sont censés proposer des plans climat plus ambitieux, comme les y engage l’accord de Paris, mais les attentes sont plus fortes vis-à-vis du G20, qui représente près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. « Leur réponse sera décisive pour garder le 1,5 °C accessible », estime Alok Sharma, le président de la COP26.

 

Une étude réalisée par le World Resources Institute et Climate Analytics avait montré qu’à eux seuls, les pays du G20 pourraient permettre de limiter le réchauffement à 1,7 °C, à condition de prendre des mesures ambitieuses d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or l’Inde, la Turquie et l’Arabie saoudite n’ont pas pris de nouveaux engagements pour 2030, tandis que l’Australie, la Russie, le Brésil, l’Indonésie et le Mexique ont soumis des nouveaux plans identiques voire moins ambitieux que les précédents.

« Il y a encore beaucoup de résistances de la part des pays comme la Chine ou l’Inde, mais aussi le Japon et les Etats-Unis », rappelle Alden Meyer

 

Le G20 pourrait marquer un tournant s’il faisait un pas pour « reléguer le charbon dans le passé », comme le demandent l’ONU et la présidence de la COP. Il s’agit de la ressource énergétique la plus polluante et la principale responsable des émissions de CO2. Le G7 de Naples, en juillet, a montré la voie en s’engageant à ne plus financer de centrales à charbon à l’étranger et M. Xi a créé la surprise, en septembre, en faisant la même promesse. Le G20 pourrait emboîter le pas concernant le charbon à l’étranger, mais il est aussi attendu pour fixer une fin de la production intérieure. « Il y a encore beaucoup de résistances de la part des pays comme la Chine ou l’Inde, mais aussi le Japon et les Etats-Unis », rappelle Alden Meyer.

Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, demande en outre aux principaux pays industrialisés de cesser les subventions aux énergies fossiles. Ces vingt pays ont fourni plus de 3 300 milliards de dollars (2 850 milliards d’euros) de subventions au charbon, au pétrole et au gaz entre 2015 et 2019, selon une étude de BloombergNEF. Mais la hausse des coûts de l’énergie, en raison de la forte reprise générée par le recul de la pandémie dans plusieurs régions du monde, vient compliquer ce genre d’engagements.

 

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Source : Le Monde 

 

 

 

 

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