COP26 : l’Afrique veut des objectifs d’adaptation au dérèglement climatique

Alors que l’objectif de 1,5 °C de hausse moyenne des températures reste hors de portée, des engagements précis sont jugés nécessaires pour permettre aux pays les plus vulnérables d’amortir le choc.

Le Monde  – Que peuvent attendre les pays africains de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) qui s’ouvre dimanche 31 octobre à Glasgow ? Alors que les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont franchi en 2020 un nouveau record, l’attention sera avant tout tournée vers les engagements des grands pays émetteurs.

« Les engagements actuels conduisent vers un réchauffement de 2,7 °C au niveau mondial, mais c’est de 4 °C à 5 °C en Afrique. Ce n’est pas acceptable, il faut que les grands pays émetteurs revoient leur copie », demande Tosi Mpanu-Mpanu, l’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) chargé des négociations climatiques.

Après l’annulation de la conférence en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, les gouvernements ont eu une année supplémentaire pour formaliser leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et déposer auprès de la convention leur « contribution déterminée au niveau national » (NDC, en anglais).

Les efforts proposés sont loin d’être à la hauteur pour contenir la hausse moyenne des températures mondiales en dessous de 1,5 °C, l’objectif fixé par l’accord de Paris en 2015. Cette trajectoire inquiétante donne des arguments légitimes aux délégués africains pour ramener la question de l’adaptation au centre des discussions. Plus les principaux pays émetteurs tardent à respecter leurs engagements, plus l’adaptation sera difficile et coûteuse.

« C’est une question majeure pour l’Afrique. Son avenir est directement lié à la capacité des pays pollueurs à combler l’écart qui sépare du seuil de 1,5 °C, alors que le continent a très peu contribué au réchauffement [ 4 % des émissions mondiales]. Cette vulnérabilité, partagée avec les petits Etats insulaires, donne à la parole des Africains un poids moral important dans les négociations », souligne Lola Vallejo, responsable du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

 

Chute des rendements agricoles

 

Le groupe Afrique va ainsi tenter de faire inscrire à l’agenda des négociations l’adoption d’un « objectif global d’adaptation » destiné à cheminer de manière concomitante avec les objectifs de réduction d’émissions des Etats.

« L’accord de Paris prévoit un équilibre entre les financements octroyés pour réduire les émissions mondiales et aider les pays à faire face au choc climatique. Mais nous avons besoin d’aller plus loin en fixant des objectifs plus précis et plus qualitatifs », explique le Gabonais Tanguy Gahouma-Bekale, président du groupe des négociateurs africains à la COP26. Certains pays avancent déjà des propositions, comme l’Afrique du Sud, qui suggère comme objectif d’ici à 2030 de donner les moyens de s’adapter aux impacts du changement climatique à 50 % de la population. Puis à 90 % d’ici à 2050.

La nécessité d’apporter une réponse de plus grande envergure ne fait pourtant plus débat. « Le nombre des inondations a été multiplié par cinq depuis les années 1990 », selon le rapport sur l’adaptation en Afrique publié le 26 octobre par le Centre mondial pour l’adaptation (GCA). L’an dernier, le Soudan a dû affronter ses pires inondations depuis soixante ans, avec un bilan de 500 000 personnes déplacées et 5,5 millions d’hectares de terres agricoles détruites. En 2019, deux cyclones avaient détruit la ville de Beira, au Mozambique, faisant 1 300 morts et affectant 3,5 millions de personnes au total.

Les experts du GCA soulignent aussi les enjeux en termes de sécurité. Selon eux, « un tiers des conflits survenus entre 1980 et 2016 ont été précédés par une catastrophe naturelle ».

La chute des rendements agricoles provoquée par un climat plus chaud et erratique est également à craindre : les scientifiques évaluent les pertes potentielles à 20 % en moyenne avec une hausse des températures de 2 °C. Mais localement, la baisse pourrait être de bien plus grande ampleur. « Dans le pire des cas, la récolte annuelle de maïs par ménage en Namibie et en Angola pourrait diminuer de 77 % d’ici à 2050 », selon l’étude publiée par le Fonds international de développement agricole (FIDA) en amont de la COP26.

 

« Il faudrait un signal politique fort »

 

Sur un continent où près de 60 % de la population vit dans des zones rurales, l’agriculture figure en tête des secteurs listés comme prioritaires en matière d’adaptation. Elle apparaît, avec l’accès à l’eau, parmi les premières préoccupations mises en avant par 42 pays dans leur NDC.

Ces documents, dans lesquels les gouvernements évaluent le coût des politiques à mettre en œuvre, permettent de cerner les besoins financiers… et le fossé avec ce qui est réellement mobilisé. Les calculs réalisés par le GCA à partir des données de 40 pays donnent une idée précise de l’équation à résoudre : l’Afrique reçoit en moyenne 6 milliards de dollars par an (environ 5,2 milliards d’euros) pour ses efforts d’adaptation. Il lui en faudrait 20 milliards de plus chaque année pour combler ses besoins d’ici à 2030.

Mais l’adaptation ne constitue qu’un des volets de l’épineux débat sur le financement promis par les pays industrialisés aux pays en développement. L’objectif des 100 milliards de dollars en 2020 fixé lors de la conférence de Copenhague, en 2009, ne sera pas atteint avant 2023. « C’est une mauvaise nouvelle. Les pays industrialisés n’ont pas tenu les engagements de l’accord de Paris et cela nous inquiète pour l’avenir, car les besoins de financement sont en réalité de dix à quinze fois supérieurs à ce chiffre, dont nous savons qu’il était avant tout politique », déplore Tanguy Gahouma-Bekale.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, il faudrait laisser 60 % du pétrole et du gaz dans le sol, et 90 % du charbon

Les estimations faites par le groupe Afrique conduisent à des besoins compris entre 750 et 1 300 milliards de dollars par an pour les pays en développement. La solidarité financière demandée au titre de la responsabilité historique des pays industrialisés dans le dérèglement climatique doit en effet également permettre aux pays en développement d’engager leur transition énergétique vers des sources moins polluantes. Mais le coût de cette mutation se chiffre en milliards de milliards de dollars.

A Glasgow, des discussions sur ces engagements de financement à long terme, dont la première étape serait 2025, doivent avoir lieu. Difficile de prédire s’il en sortira quelque chose. « Il faudrait un signal politique fort qui permette de redonner confiance dans un processus miné par les promesses non tenues. Mais à ce stade, nous ne savons même pas sous quel format la discussion sera organisée », redoute Lola Vallejo, rappelant que « la discussion climatique doit aller de pair avec celle sur les trajectoires de développement et les enjeux de justice sociale qui l’accompagnent ».

 

La « dette climatique » des pays riches

 

Les attentes sont différentes selon les pays. Pour l’Afrique du Sud, industrialisée et qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’enjeu est de sortir du charbon en limitant l’impact économique et social de la transition. Mais dans la plupart des pays où la majorité des habitants continuent de ne pas avoir accès à l’électricité, l’enjeu vital reste de fournir les services essentiels à la population et de faire reculer la pauvreté.

Cela n’empêche pas ces pays d’avoir pris des engagements ambitieux. A une condition : l’apport massif de fonds extérieurs. L’Ethiopie, 0,04 % dans le bilan mondial des émissions de gaz à effet de serre et 115 millions d’habitants (dont 60 millions n’ont pas accès à l’électricité), se dit ainsi prête à réduire de près de 70 % ses futures émissions par rapport à un scénario où elle ne ferait aucun effort. La facture à régler est évaluée à 250 milliards de dollars.

 

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Laurence Caramel
 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

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