
Soudan. Dans la matinée, le ministère de l’information a annoncé dans un communiqué que M. Hamdok avait refusé de soutenir un « coup d’Etat » et avait été « emmené vers un lieu non identifié ». « Nous appelons la population soudanaise à protester par tous les moyens pacifiques possibles », a de son côté exhorté le bureau du premier ministre quelques heures plus tard.
– Le Soudan était dans une situation confuse, lundi 25 octobre, après l’arrestation par des forces de sécurité du premier ministre, Abdallah Hamdok, et de la plupart des ministres et des membres civils du conseil de souveraineté, qui chapeaute la transition auPar ailleurs, des soldats ont pris d’assaut le siège de la radio-télévision d’Etat à Omdourman – ville jumelle de la capitale, Khartoum, dont elle est seulement séparée par un pont sur le Nil –, a encore affirmé le ministère, qui ajoute que « des employés sont retenus ».
Le général Abdel Fattah Al-Bourhane, à la tête de la transition soudanaise, a annoncé à la mi-journée la dissolution du conseil de souveraineté et la formation, à venir, d’un nouveau gouvernement composé de « personnes compétentes ». Il a également décrété l’état d’urgence dans tout le pays. Dans le même temps, le général Al-Bourhane a réitéré son attachement à « la transition vers un Etat civil » et promis de créer les nombreuses institutions étatiques, comme la Cour suprême, qui auraient dû voir le jour il y a plusieurs mois.
Le réseau Internet du pays a été coupé, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Des manifestants se rassemblaient dans les rues de Khartoum pour protester contre les arrestations et conspuer le général Al-Bourhane, qui chapeaute le conseil de souveraineté, désormais amputé de sa part civile.
« Nous n’accepterons pas de régime militaire et nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour la transition démocratique », a juré l’un d’eux, nommé Haitham Mohamed, à un journaliste de l’AFP. « Nous ne quitterons pas les rues avant le retour du gouvernement civil et la reprise de la transition », a affirmé de son côté une manifestante, Sawsan Bachir.
Le ministère de l’information a affirmé en fin de matinée que les soldats tiraient « à balles réelles » sur les protestataires réunis devant les quartiers généraux de l’armée, dans le centre de Khartoum, dont l’accès est fermé par des blocs de béton depuis plusieurs jours.
Réactions inquiètes dans la communauté internationale
L’Union africaine a réagi en fin de matinée, appelant à une « reprise immédiate » du dialogue entre civils et militaires au Soudan. « Le président réaffirme que le dialogue et le consensus sont la seule voie pertinente pour sauver le pays et sa transition démocratique », ajoute l’Union.
La Ligue arabe a elle aussi fait part de sa « profonde préoccupation » et appelé « toutes les parties à respecter » l’accord de partage du pouvoir de transition établi en 2019 entre les militaires et une coalition de partis civils, après trente ans de dictature d’Omar Al-Bachir.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a quant a lui appelé, sur Twitter, la communauté internationale « à remettre la transition soudanaise sur les rails ». « J’appelle les forces armées à relâcher immédiatement les personnes retenues », a également exhorté l’émissaire de l’Organisation des Nations unies (ONU) au Soudan, Volker Perthes, jugeant « inacceptables » les arrestations de la quasi-totalité des civils au sein des autorités de transition.
L’Allemagne a « clairement condamné » cette tentative de coup d’Etat, qui « doit cesser immédiatement », dans un communiqué du ministre des affaires étrangères, et appelle au « dialogue » entre les responsables politiques. Les Etats-Unis se sont dits « profondément inquiets », prévenant que « tout changement du gouvernement de transition mettait en danger l’aide américaine ».
Une situation tendue depuis des semaines
Au Soudan, la situation est tendue depuis plusieurs semaines entre les autorités de transition civiles et militaires. Le 16 octobre, des manifestants soutenant l’armée ont planté leurs tentes devant le palais présidentiel où siègent les autorités de transition, partagées entre civils et militaires. En réponse, jeudi 21 octobre, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans plusieurs villes pour, disaient-ils, « sauver » leur « révolution ».
Depuis la tentative de putsch manquée du 21 septembre, la transition semblait sur le point de dérailler et les généraux ont multiplié les attaques frontales contre la « mauvaise gestion » des Forces pour la liberté et le changement (FFC), une coalition de partis civils.
La date n’était pas anodine : le 21 octobre est la date anniversaire du soulèvement populaire et de la grève générale qui, en 1964, étaient venus à bout du général Ibrahim Abboud, arrivé au pouvoir par la force peu de temps après l’indépendance du pays en 1956.
Depuis, le sit-in des pro-armée a débordé ailleurs dans Khartoum. Dimanche matin, ils ont bloqué un des principaux ponts de la ville, créant des embouteillages monstres. Le soir, ils sont de nouveau sortis, brûlant des pneus sur des routes. Face à eux, l’Association des professionnels du Soudan, l’un des fers de lance de la révolte de 2019, a appelé les partisans d’un pouvoir civil à la « désobéissance civile » face à un « coup d’Etat militaire violent ».
Il y a deux jours déjà, le camp pro-civil avait mis en garde contre un « coup d’Etat rampant », lors d’une conférence de presse qu’une petite foule avait cherché à empêcher.
La direction du pays est censée être remise aux civils lors de la première étape d’un processus devant conduire, à la fin de 2023, à l’organisation d’élections libres, les premières en trente ans. Depuis son indépendance, le Soudan a connu trois dictatures militaires, qui ont chacune interrompu brutalement une période de transition démocratique.
Source :
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com