La souveraineté internationale de l’État malien confrontée avec sa sécurité et sa Défense nationale

La situation politique et militaire du Mali est devenue de plus en plus préoccupante suite aux dernières tournures qu’elle prend. Le nombre de pertes humaines tant civiles que militaires devient de plus en plus banalisées dans les médias. Ce phénomène ne devrait pas inquiéter que les maliens mais, également les Etats voisins de toute la sous-région voire la CEDEAO.

L’intégrité territoriale de ce pays connaît une sérieuse entorse : la présence de forces internationales de maintien de la paix sur son territoire, affrontements religieux, intercommunautaires et, des groupes de terroristes armés font que sa souveraineté est fondamentalement remise en cause. Sa défense nationale mise à mal l’a contraint à chercher des solutions pour retrouver sa sécurité nationale. Cela étant, la question de sa souveraineté nationale est ainsi posée puisque ; ses partenaires lui contestent l’éventualité d’une négociation avec les groupes armés et, d’une signature d’un quelconque accord de défense nationale avec un groupe militaire de sécurité privée Russe nommé Wagner. Cette initiative malienne soulève une question juridique qui est la souveraineté d’un État en tant qu’entité en droit international et doté d’un droit à signer des accords de défense et sécurité avec un groupe privé de sécurité militaire.

Sur un plan purement juridique, il faut souligner que la nation malienne est un État qui dispose d’une constitution laquelle constitue une source légitime de sa souveraineté. La liberté d’un Etat, sa compétence et, sa capacité à signer des accords internationaux sont généralement inscrits dans sa loi fondamentale qui est la constitution. C’est ce qu’exprime l’adage latin ubi societas, ibi jus c’est-à-dire là où il existe une vie en communauté, il y a la loi. La notion de souveraineté malienne est mentionnée dans le préambule de la constitution du 25 février 1992 et, en ses articles 26 et 29. Cette souveraineté est également symbolisée par la représentativité qui est explicitement mentionnée dans ces textes constitutionnels. Par ailleurs, si la contestation juridique du pouvoir en place à négocier avec les présumés terroristes ou, à signer des accords de défense est soulevée ; c’est dans la pluralité des sources du droit mentionnée dans la constitution qu’il faut la retrouver. A ce titre, on peut évoquer le pouvoir législatif et judiciaire et, ce que ces deux organes ont prévu sur l’équilibre de ces deux organes face au pouvoir exécutif.

Sur la question de la légitimité des accords de défense que le Mali souhaite conclure avec un groupe militaire privé, il faut jeter un regard sur les pratiques et les usages de l’histoire récente des conflits internationaux pour mieux comprendre les enjeux auxquels le Mali et les États voisins peuvent être confrontés[1]. Le Mali n’est pas le premier pays et ne sera surement pas le dernier à utiliser cette stratégie.

 Tout le monde garde à l’esprit le groupe militaire privé Blackwater impliqué dans l’assaut de Fallu Jah et, la torture des prisonniers irakiens à Abu Ghraib pendant la guerre d’Irak en 2004[2].  Puisque la guerre est une horreur règlementée par le droit international depuis Henry Dunan, il faut se pencher sur les inquiétudes et les enjeux auxquels le Mali peut se confronter lorsqu’un groupe militaire privé s’invite dans le conflit qui déchire le pays.

Ainsi, un militaire représente un pays, ou un groupe armé sur le champ de bataille et pour cela, il doit être identifié et identifiable par l’ennemi pour éviter toute confusion avec la population civile et, les combattants ou supposés tel. Or en 2004 l’exemple des éléments du groupe Blackwater a suscité un flou quant à la qualification juridique du statut de combattants issus des groupes de sécurité militaire privé[3]. C’est en l’occurrence cette question qui inquiète la France et ses partenaires en cas d’accord de défense entre le Mali et le groupe Wagner. En Irak, Afghanistan, Yougoslavie, Kosovo ces groupes de sécurité ont offert de nombreux services diverses et variés tel que l’assistance logistique, la formation en stratégie militaire, la tactique de guerre et même de gardes du corps. De même qu’en Afrique depuis l’époque de l’apartheid ce phénomène a existé au sujet de l’organisation des coups d’Etat en collaboration avec des groupes de mercenaires sur le continent notamment en RDC, Sierra Leone, Comores.

Grace au Comité International de la Croix Rouge, le droit international n’a pas manqué à se pencher sur la question de ces groupes de sécurité militaire privé. En effet c’est l’article 47 du 1er protocole additionnel du 8 juin 1977 de la convention de Genève de 1949 qui régit le statut des combattants impliqués directement aux conflits. Il y a également la Convention de l’Union Africaine (OUA : ancienne Organisation de l’Unité Africaine) sur l’élimination du mercenariat en Afrique dont le Mali a ratifie les textes le 25 septembre 1978[4]. Il ressort de la lecture combinée de ces deux textes environs sept critères aux contours flous. Ils définissent la qualité de combattant des armées régulières, de groupes armées non régulières et, de la notion de mercenariat. L’inquiétude du Comité International de la Croix Rouge (CICR) montre comment le droit international humanitaire et le droit de la guerre définissent et protègent le droit des parties directement impliquées dans un conflit.  Ce qu’il faut savoir sur les enjeux de la participation au conflit d’un groupe militaire privé est ; entre autre le statut juridique des combattants lorsque ceux-ci sont impliqués directement aux combats, lorsqu’ils sont capturés comme prisonniers et, la compétence des juridictions susceptibles de les juger dans le respect du droit de la guerre. Or dans cette instabilité malienne, le conflit est également communautarisé quand bien même ces hostilités vieilles comme le monde ont toujours été gérées à l’amiable sans intervention d’agents extérieurs dans un cadre strictement intercommunautaire et même des groupes d’auto-défense se sont déjà constitués.

Ainsi, des éléments d’une société militaire privée qui participent directement aux combats ne peuvent être qualifiés de combattants légaux ni obtenir le statut de prisonniers de guerre. Ils ne sont pas des cibles légitimes selon le droit international humanitaire. On en arrive à se poser la question pour savoir s’il s’agit de faire appliquer le droit c’est la politique qui prend le dessus pour résoudre les conflits pour légitimer l’usage de la force. Ces combattants sont ainsi considérés par les conventions internationales comme ayant le statut de personnes civiles. En conséquence, en cas de capture, ces combattants seront traduits devant des tribunaux de droit commun et non des tribunaux militaires. Par le passé et dans le cadre l’« Opération Iraqi Freedom », le groupe militaire privé Blackwater avait été engagé par l’armée américaine. Les éléments de ce groupe militaire privé n’avaient pas obtenu le statut de combattants militaires de l’armée régulière lorsqu’ils ont été poursuivis devant les tribunaux américains pour des cas violations des droits de l’homme et d’actes de tortures. Ils ont voulu se prévaloir le statut de « combattants de guerre » pour se faire poursuivre par les tribunaux militaires américains et échapper de jure et de facto aux poursuites des tribunaux de droit commun. Cette situation pourrait être similaire avec le cas du Mali. L’éventualité d’un accord de défense avec ces sociétés militaires privées avec le Mali sera un contrat entre les autorités régulières dirigées par un régime militaire[5] et, qui abritent sur son territoire national des forces internationales de maintien de la paix. Ce qui fait penser aux scénarios l’époque de la guerre froide.

 

 

 

Moussa Coulibaly

Enseignant chercheur en droit international

 

 

 

 

 

[1] http://www.comw.org/rma/

[2] Lindsey Cameron: Private military companies: their status under international humanitarian law and its impact on their regulation

[3] The Washington Post : Overturned ,Blackwater conviction evokes darkest days of Iraq War

[4] Convention De L’OUA Sur L’elimination Du Mercenariat En Afrique | African Union (au.int)

[5] Sur ce sujet l’armée américaine avait également engagé à ses côtes le groupe militaire prive Blackwatter en Irak : Taguba Report: AR 15-6 Investigation of the 800th Military Police Brigade – Certified Copy | www.thetorturedatabase.org.

(DOC) The  » Affreux  » : French mercenaries, violence and systems of domination in Sub-Saharan Africa | BRUYERE-OSTELLS Walter – Academia.edu

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 30 septembre 2021)

 

 

 

 

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