Le Kenya, royaume des sous-traitants de la dissertation

France Info Doté d’un très bon système éducatif mais proposant peu de débouchés en terme d’emplois, le Kenya a vu exploser le nombre de ses diplômés qui rédigent des copies à la place d’étudiants occidentaux fainéants contre rémunération.

Vous le savez peut-être : il existe des sites internet où vous pouvez payer quelqu’un pour écrire à votre place. Un commentaire de texte, une dissertation d’histoire, de la philo, une thèse de doctorat… Tout est possible ! Vous choisissez un rédacteur, votre thème, un nombre de mots, vous faites un virement par carte bancaire, trois clics… et quelques heures – ou quelques jours – plus tard vous recevez le résultat par mail. Vous n’avez plus qu’à mettre votre nom sur la première page (et prier pour que votre enseignant n’y voit que du feu).

 

La combine s’est transformée en industrie

 

Le procédé n’est pas nouveau, mais il s’étend. Notamment dans le monde anglosaxon. Dans ce domaine, le Kenya est devenu « la » plaque tournante des “usines à dissertations” en langue anglaise. Ce qui était au départ une simple combine s’est transformée en véritable “industrie”: des milliers d’étudiants et de jeunes diplômés kenyans vendent aujourd’hui leurs compétences et leur plume à d’autres étudiants situés aux Etats-Unis, en Angleterre ou en Australie… qui eux préfèrent payer plutôt que travailler

Pourquoi le Kenya ? Parce que c’est un pays anglophone, doté d’un très bon système éducatif, mais qui propose trop peu de débouchés en termes d’emploi.

Les journalistes de la BBC qui racontent cette histoire ont rencontré Kennedy, âgée de 30 ans : il a quitté son métier d’enseignant parce que sous-traitant de la dissertation et cela rapporte beaucoup plus. A deux euros la page, en travaillant à la chaîne, il peut gagner facilement 1 300 dollars par mois, davantage que le salaire moyen. Il est très lucide, il sait qu’il pervertit le système éducatif, qu’il alimente le marché de la malhonnêteté, qu’il est “moralement compromis”. Mais il assume : « Parfois, dit-il, il faut d’abord survivre avant de penser à la morale. »

Autre exemple, David, 23 ans, en dernière année d’université, qui profite, lui, du système pour payer ses études. Et il lui reste encore assez d’argent pour engager des ouvriers agricoles sur les terres qu’il a louées dans son village natal. Il assure que dans sa classe ils sont « une dizaine » à faire la même chose.

 

De faux profils pour rassurer les Occidentaux

 

C’est, en somme, l’industrie mondiale de la triche qui prend de l’ampleur : car les étudiants-clients ne savent pas qui va écrire pour eux ! Sur les sites, la photo des « rédacteurs », notés par les utilisateurs (de 1 à 5 étoiles), présente souvent un profil d’universitaire quinquagénaire blanc, mâle, à lunettes… Or il y a de grandes chances pour que soit une fausse photo, derrière laquelle se cache en réalité un jeune étudiant de Nairobi.

Depuis quelques années la tendance s’est tellement développée au Kenya que certains sous-traitants se sont eux-mêmes mis à sous-traiter. Certains « auteurs » sont tellement demandés qu’ils ont besoin de recruter des bras supplémentaires pour répondre à toutes les demandes. Des groupes sont apparus sur Facebook et Telegram, qui comptent parfois des dizaines de milliers de membres.

Comment lutter contre ce phénomène ? En septembre dernier, après l’Irlande, l’Australie a formellement interdit ce type de services – qui peuvent être dangereux, si par exemple vous vous en servez pour obtenir un diplôme d’infirmier… Elle a puni leur usage de deux ans de prison et comme par magie, toute une quantité de sites ont disparu. L’Angleterre réfléchit à une législation similaire.

Isabelle Labeyrie
Radio France

 

 

 

 

 

Source : France Info

 

 

 

 

 

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