La victoire des talibans galvanise les djihadistes au Sahel

Les filiales d’Al-Qaida au Maghreb et dans le Sahel voient dans le retrait humiliant des Américains d’Afghanistan des raisons d’espérer. Les pays européens sont en première ligne dans la région

L’heure est à la célébration dans les rangs des djihadistes au Maghreb et au Sahel. Les filiales d’Al-Qaida dans ces deux régions ont salué lundi, dans un communiqué commun, la victoire des talibans en Afghanistan. Elles espèrent désormais que les nouveaux maîtres de Kaboul instaureront la charia. La branche sahélienne de l’Etat islamique n’a pipé mot, car, en Afghanistan, l’organisation combat les talibans.

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Avant même la chute de Kaboul, le Malien Iyad Ag Ghali, émir de la branche d’Al-Qaida au Sahel, félicitait les talibans pour leur ténacité contre les Américains. La preuve, selon lui, que le départ des forces étrangères incapables de venir à bout de l’insurrection djihadiste est aussi inéluctable dans le Sahel qu’en Afghanistan.

«L’homme malade du Sahel»

 

Au Mali, où la France était intervenue en 2013 pour stopper l’avancée des groupes djihadistes vers la capitale Bamako, l’effondrement soudain du gouvernement afghan a provoqué une «onde de choc», relate le sociologue Mohamed Amara, qui partage son temps entre l’université de Bamako et celle de Lyon. Le Mali, selon le chercheur, est «l’homme malade du Sahel, le pays le plus fragile qui a contaminé ses voisins avec le virus du terrorisme».

Facteur aggravant, le pays a connu un coup d’Etat en deux temps, en août 2020 puis en mai 2021. Mais, une année après la première prise du pouvoir par les militaires menés par le colonel Assimi Goïta qui accusaient les civils d’incurie face à l’insécurité, force est de constater que les attaques djihadistes n’ont pas été enrayées. Jeudi dernier, quinze soldats ont encore été tués dans une embuscade dans le centre du pays.

«Le débat sur un possible départ des forces étrangères a rapidement été occulté, regrette Mohamed Amara. Les Maliens s’écharpent plutôt sur une prolongation de la période de transition». Les militaires sont censés rendre le pouvoir au civil lors d’élections prévues au plus tard en février prochain.

 

Retrait partiel français

 

Les Maliens se concentrent ainsi sur ce qu’ils peuvent maîtriser, contrairement à la poursuite de l’engagement international à leurs côtés. Prenant prétexte du dernier coup de force des officiers maliens, le président français Emmanuel Macron a annoncé en juin la fin de l’opération Barkhane et un retrait partiel des troupes françaises. D’ici l’an prochain, il devrait rester moins de la moitié des 5000 soldats actuellement déployés au Sahel. La France quittera notamment ses bases dans les villes de Tombouctou ou Kidal, dans le nord du Mali, une immense région désertique qui échappe déjà presque entièrement aux autorités de Bamako.

Difficile d’imaginer que les forces françaises se retirent aussi précipitamment que les Américains d’Afghanistan. Mais la France s’apprête à rentrer en campagne électorale et la poursuite de l’engagement militaire au Sahel dépendra du résultat de la présidentielle du printemps prochain.

 

«Notre mission échouera»

 

Paris n’est toutefois pas seul au Mali. Le président Emmanuel Macron, en annonçant la fin de l’opération Barkhane, a réaffirmé la poursuite des efforts militaires de la France qui seront à l’avenir intégrés dans une force européenne. Mais les pays du continent s’interrogent. Tirant les leçons du fiasco afghan, Christoph Heusgen, un ancien conseiller d’Angela Merkel, préconisait la semaine dernière dans une tribune publiée par le centre de réflexion European Council on Foreign Relation la poursuite de l’engagement allemand à l’étranger, car c’est dans l’intérêt du pays.

Toutefois, écrivait-il, Berlin doit être plus exigeant, en appliquant davantage de conditionnalités aux pays qu’il soutient. Et de viser le Mali: «Le gouvernement doit être occupé à mettre en œuvre les accords d’Alger (accords de paix avec les groupes non-djihadistes, ndlr) et se soucier du bien-être de sa population. Au lieu de cela, il mène des combats ethniques et fait des coups d’Etat. […] Si cela ne change pas, notre mission échouera».

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L’hésitation gagne aussi les pays du Sahel. Le Tchad a annoncé samedi dernier le retrait de la moitié de son contingent de la zone des trois frontières, l’un des principaux foyers djihadistes entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Ces quatre pays réunis avec la Mauritanie au sein du G5 Sahel sont appelés un jour à prendre le relais des forces européennes et de l’ONU pour assurer la sécurité dans la région. «Pour l’instant, le G5 Sahel n’est pas prêt à le faire. En cas de retrait de ses alliés extérieurs, l’Etat malien s’effondrera», met en garde Mohamed Amara.

 

 

 

 

Simon Petit

 

 

 

 

Source : T Afrique

 

 

 

 

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