Wangari Maathai, la femme qui plantait des arbres

Wangari Maathai, née en 1940 au Kenya, a été la première africaine à recevoir le prix Nobel de la paix pour son action en faveur de l’environnement, de l’émancipation des femmes et de la sécurité alimentaire. Constatant que la désertification et l’érosion des sols causent la famine et la pauvreté des populations rurales du Kenya, elle crée en 1977 le Mouvement de la ceinture verte, destiné à reboiser les terres et géré par les femmes des villages. On estime à plus de 50 millions, le nombre d’arbres qui ont été plantés depuis.

 

Wangari Maathai est née le 1er avril 1940 dans le village d’Ihithe, non loin de Nyeri, sur les hautes terres, au centre du Kenya, dominées au nord par le deuxième plus haut sommet d’Afrique, le Mont Kenya. Les parents de Wangari Maathai, des paysans kikuyu – l’une des 42 ethnies du Kenya – « cultivaient un petit lopin de terre et élevaient quelques vaches, chèvres et moutons » racontera-t-elle plus tard.

 

La petite fille grandit en aidant sa mère aux travaux des champs. Son grand frère Nderitu, déjà scolarisé au collège, suggère à leur mère d’inscrire Wangari à l’école.

À 7 ans, la jeune élève découvre avec enthousiasme les mathématiques, le swahili et l’anglais enseignés à l’école d’Ihithe, et elle consacre tout son temps libre à son autre grande passion : la découverte de la nature. À 11 ans, sa famille l’envoie au collège Ste Cécile, au pied des collines de Nyeri, où elle restera jusqu’à son entrée au Lycée Loreto-Limuru, à Nairobi, dont elle sortira bachelière en biologie en 1959.

Déforestation et pauvreté

En 1960, le Kenya, colonie britannique, est en marche vers l’indépendance. La classe politique kényane s’occupe de former une future élite et Wangari Maathai, élève brillante, bénéficie d’une bourse, qui lui permet de partir étudier aux États-Unis avec quelque 300 autres jeunes kényans. Du Kansas à la Pennsylvanie, elle part en Allemagne puis rejoint l’Université de Nairobi en médecine vétérinaire, où elle obtient son doctorat en 1971 : elle est la première en Afrique de l’Est.

Enseignante à l’université, Wangari Maathai se bat contre les discriminations hommes-femmes et obtient l’égalité des salaires. En 1977, la jeune femme est nommée professeur.

Pendant ses années de recherche sur le terrain, Wangari Maathai constate que la déforestation cause l’érosion des sols et la dégradation des rivières, qui, ensemble, menacent la santé des troupeaux, l’agriculture et par conséquent la santé des populations. En 1977, au congrès du Conseil national des femmes du Kenya – NCWK dont elle est membre –, une enquête présentée confirme ses observations : partout, les femmes des régions rurales manquent de bois, d’eau et de ressources alimentaires.

 

Planter des arbres, semer des idées

 

« J’ai analysé les problèmes, compris leur origine, restait à trouver des solutions (…) la réponse s’imposa : planter des arbres ; mais qui planterait des arbres par milliers ? Les femmes, bien entendu ! », écrit Wangari Maathai dans son autobiographie. En 1977, le Mouvement de la ceinture verte – Green Belt Movement ou GBM – naissait, mené par les femmes et avec le soutien du NCWK.

Le 5 juin 1977, journée de la Terre, les sept premiers arbres sont plantés dans un parc de Nairobi, devant plusieurs centaines de femmes et de représentants du gouvernement.

Les premières années sont chaotiques, par manque d’expérience et d’argent, mais le Mouvement prend son essor en 1981, quand le Fonds de développement des Nations unies pour la femme accorde une subvention et une reconnaissance internationale. « L’avenir de la planète nous concerne tous et il est du devoir de chacun de la protéger »,écrit Wangari Maathai, (…) et quand nous plantons des arbres, nous semons aussi des idées ».

 

Écologie et démocratie

 

À partir des années 1980, consciente que les enjeux environnementaux sont liés à la gouvernance, à la paix et aux droits humains, Wangari Maatai s’appuie sur le Mouvement de la ceinture verte pour lutter contre les abus du pouvoir politique.

En 1989, la militante se mobilise avec les citoyens de Nairobi contre les autorités – soutenues par le chef de l’État Daniel Arap Moi – qui projettent de supprimer le parc Uhuru, poumon vert de la capitale, en construisant une tour. Après trois ans de batailles, le projet est abandonné.

En 1992, alors qu’elle milite au sein du Forum pour le rétablissement de la démocratie (FORD), Wangari Maathai est arrêtée et jetée en prison et elle devra sa libération aux nombreux soutiens venus de l’étranger, en reconnaissance de son travail pour la ceinture verte.

Quand en 2002, le Kenya élit son nouveau président, Mwai Kibaki, Wangari Maathai est, elle aussi, élue députée. Convaincue que pour supprimer la pauvreté, il faut améliorer la gestion des ressources naturelles, la militante crée début 2003 le parti vert Mazingira.

Wangari Maathai occupera le poste de ministre déléguée à l’Environnement, de janvier 2003 à novembre 2005.

 

Première africaine prix Nobel

 

Le 4 octobre 2004, le Professeur Maathai décroche son portable, c’est un appel de Norvège : le président du comité Nobel, Ole Danbolt Mjos, lui annonce qu’on vient de lui décerner le prix Nobel de la paix. Elle est la première femme africaine à le recevoir. « Je suis vraiment très fière et à mes yeux, il n’y a pas que moi qu’on récompense, j’ai le sentiment que le monde récompense notre travail, car à travers moi, c’est l’Afrique et c’est la femme africaine qu’on récompense », déclarera-t-elle peu après au micro de RFI.

Dès lors, infatigable, la lauréate du Nobel endosse sa responsabilité de porte-parole et parcourt le monde, de la conférence de Copenhague au Grenelle de l’environnement, en passant par Haïti et le Japon. Pour l’assister, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a délégué Serge Bounda : « Elle avait une vision holistique de la planète (…) Comme première présidente du conseil économique et social de l’Union africaine, elle a poussé plus loin l’agenda des droits de l’homme et de l’environnement (…). C’était une femme du peuple qui comprenait les leaders, qui avait le sens des défis et des responsabilités », relate-t-il.

Les arbres en héritage

 

Le 25 septembre 2011, Wangari Maathai s’éteint. Par respect pour l’environnement, pour ne pas couper d’arbre, elle est, ainsi qu’elle le souhaitait, incinérée dans un cercueil fait de lianes et de bambous.

Les idées et le travail du professeur Maathai portent aujourd’hui toujours leurs fruits. À l’aube du XXIᵉ siècle, le Mouvement de la ceinture verte – devenu international –  avait contribué à créer plus de 6 000 pépinières, gérées par 600 réseaux communautaires, avec plusieurs centaines de milliers de volontaires. L’UNESCO avance le chiffre de 50 millions d’arbres plantés depuis la création du Mouvement.

Serge Bounda se souvient : « Pour elle, ce n’était pas possible de terminer un événement sans planter des arbres ! »

Dans la forêt en République du Congo, Wangari Maathai sur le terrain. © © Archives personnelles de Constant Serge Bounda

 

 

 

Agnès Rougier

 

 

 

Source : RFI

 

 

 

 

 

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