L’ancien président mauritanien est depuis une semaine en prison pour avoir mis fin à l’émargement sur le registre de la main courante. Les observateurs s’interrogent sur la durée de cette détention préventive et le procès équitable attendu par les mauritaniens qui aspirent à la justice.
Le moins qu’on puisse dire, cet emprisonnement inattendu, est une étape difficile pour celui qui a gouverné pendant 11 ans la Mauritanie. Ould Aziz espérait un troisième mandat mais la constitution le lui interdisait. Contre toute attente, il a contourné l’UPR pour imposer le candidat Ould Ghazouani. Et pour assurer par la force l’alternance militaire, il déclare un état de siège de la capitale le 23 juin 2019 avant la proclamation des résultats du premier tour. Ainsi le tour est joué. Ould Ghazouani est déclaré largement vainqueur avant la CENI, la prétendue instance électorale indépendante. La suite, Ould Aziz a gagné son premier pari tout en espérant gagner le second dans la perspective de diriger le parti de la majorité.
Mais après l’investiture de son dauphin, les choses se gâtent. Ould Ghazouani reprend les rênes de l’UPR après un bras de fer de plusieurs mois entre les deux frères d’armes. Ould Aziz se sent trahi mais n’abandonne pas la guerre.
C’est le début d’un duel qui va conduire le nouveau président à asseoir son autorité au sein du parti. C’est l’état de dégradation économique avancée qui va servir de détonateur à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur la mal gouvernance de l’ex-président Ould Aziz. Son rapport révèle des faits graves de corruption et de gabegie de l’ancien régime qui est actuellement sur le banc des accusés. Ould Aziz est placé sous contrôle judiciaire et entendu par la justice sous la protection de ses avocats qui lui conseillent de garder le silence.
Une stratégie de la défense qui ne va tarder à atteindre ses limites avec les sorties médiatiques de l’ex-président qui vont accélérer la procédure pénale. Accusé de corruption, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent, Ould Aziz est cloué au pilori et plus contraint dans ses déplacements et à émarger sur le registre de la main courante. En refusant de se soumettre à cette procédure pénale, l’ex-président perd sa liberté et se retrouve dans la même situation que quatre de ses prédécesseurs victimes de coup d’Etat à savoir deux civils, Mokhtar Ould Daddah en 78 et Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2008 et deux militaires Ould Salek en 80 et Ould Haidallah en 84.
Et ironie de l’histoire, il va être cloîtré dans un appartement qui avait servi sous son autorité à garder l’ex-directeur des renseignements libyens et beau-frère de Kadhafi mêlé dans l’affaire du prétendu financement occulte de Sarkozy. La coïncidence est malheureuse. C’est du passé mais qui compte pour un ancien président mêlé surtout à des affaires de corruption dont la plus célèbre est le Ghanagate au Ghana pour des histoires de trafic de devises.
Cette détention préventive brise le rêve d’un retour à la politique et de la continuité d’un empire économique qu’il a construit avec son clan familial et des proches surtout des hommes d’affaires mais illégalement. L’opportunité de jouir de ses biens n’a duré que deux mois à l’étranger après l’investiture de celui qu’il considérait comme un fidèle ami. Sa fortune en Mauritanie est estimée à plus de 21 milliards d’ouguiyas en attendant des révélations sur des biens à l’étranger. Ce sont tous ces biens mal acquis qui lui valent aujourd’hui une pré-prison avant la prison pour de longues années encore si la justice est toujours au rendez-vous.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
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