Acquitté par la justice internationale, l’ex-président Gbagbo en route pour la Côte d’Ivoire

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a quitté jeudi Bruxelles pour rentrer dans son pays après dix ans d’absence, un retour permis par son acquittement de crimes contre l’humanité par la justice internationale et par le feu vert donné par Abidjan au nom de la « réconciliation nationale ».

 

 

L’avion de ligne dans lequel se trouve Laurent Gbagbo, dont le départ était prévu à 10H50 (locales, 8H50 GMT), a décollé avec 45 minutes de retard. « Ca y est, il a décollé », a déclaré à l’AFP son porte-parole, Justin Katinan Koné. L’atterrissage était initialement prévu à 15H45 (locales et GMT) à Abidjan.

Présente à l’aéroport de Bruxelles, son avocate Habiba Touré a déclaré qu’il n’avait pas salué ses partisans qui s’y trouvaient et n’est pas apparu devant les nombreux journalistes également présents « pour des raisons de sécurité ».

Mais, « il est content, enthousiaste, et veut jouer sa partition pour essayer de réconcilier les Ivoiriens », a déclaré Me Touré à l’AFP. « Il a besoin de parler à son peuple ».

Laurent Gbagbo, 76 ans, vivait à Bruxelles depuis son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) en janvier 2019, confirmé en appel le 31 mars.

Il sera accueilli au pavillon présidentiel de l’aéroport, mis à sa disposition par le chef de l’Etat, par des dirigeants de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI) et ses proches. Plusieurs dizaines de notables devraient être présents.

Après son arrivée, l’ex-président se rendra dans le quartier d’Attoban, où se trouve son ancien QG de campagne pour l’élection présidentielle de 2010 où l’accueilleront « les membres de la direction du parti », selon le FPI.

Entre l’aéroport situé dans le sud d’Abidjan et Attoban dans le nord, son cortège traversera plusieurs quartiers où la foule devrait pouvoir se masser pour l’acclamer.

 

<p>Laurent Gbagbo depuis sa candidature à l'élection présidentielle ivoirienne de 1990</p>

 

 

Les rassemblements le long du cortège n’ont pas été interdits par le gouvernement du président Alassane Ouattara, mais, près de l’aéroport, quelques dizaines de ses partisans ont été dispersés par la police avec des gaz lacrymogènes, ont affirmé des témoins à l’AFP.

L’ampleur de l’accueil de l’ex-président a été au coeur des récentes négociations entre le pouvoir et le FPI: le premier souhaitant qu’il soit sans « triomphalisme », le second qu’il soit populaire en permettant au plus grand nombre de ses partisans d’être présents dans les rues d’Abidjan.

L’enjeu est la sécurité de M. Gbagbo lui-même mais aussi d’éviter tout débordement et des violences dont les deux camps ne veulent pas.

 

<p>L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo entre dans la salle d'audience de la CPI, le 15 janvier 2019 à La Haye</p>

 

 

A Yopougon, quartier populaire d’Abidjan considéré comme pro-Gbagbo on attend son retour avec impatience. « On est prêts », lance, heureuse, une militante portant un T-shirt à son effigie. « On veut le voir pour le croire », lance un habitant du quartier portant un maillot sur lequel est écrit: « Gbagbo acquitté, merci Seigneur ».

Tenant des drapeaux ivoiriens, des jeunes marchaient depuis le quartier populaire de Yopougon pour rejoindre l’aéroport, a constaté un journaliste de l’AFP.

– « Union sacrée » –

A l’opposé, ses adversaires estiment toujours qu’il a précipité son pays dans le chaos en refusant sa défaite face à Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010. Ce refus a provoqué une grave crise post-électorale, pendant laquelle quelque 3.000 personnes ont été tuées.

 

<p>Des victimes de violences post-électorales en 2010 manifestent contre le retour de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire, le 10 mai 2021 à Abidjan</p>

 

 

M. Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à Abidjan puis transféré à la CPI à La Haye.

Des associations de victimes de cette crise dénoncent « l’impunité » et ont prévu de manifester jeudi à Abidjan.

Ses proches assurent qu’il rentre sans esprit de vengeance mais pour oeuvrer à la politique de « réconciliation nationale ».

La Côte d’Ivoire est encore meurtrie par deux décennies de violences politico-ethniques, les dernières remontant à la dernière présidentielle d’octobre 2020, qui ont fait une centaine de morts.

Alassane Ouattara a été réélu pour un 3e mandat controversé lors d’un scrutin boycotté par l’opposition qui jugeait ce nouveau mandat anticonstitutionnel.

La Côte d’Ivoire « doit se retrouver », estime Assoa Adou, secrétaire général du FPI, car « elle est aujourd’hui en danger de déstabilisation par des jihadistes » après des attaques contre l’armée qui ont récemment tué quatre militaires dans le Nord, à la frontière avec le Burkina Faso.

 

<p>Des partisans de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo dans le quartier de Yopougon, le 16 juin 2021 à Abidjan</p>

 

 

Un avis partagé par l’écrivain et journaliste Venance Konan, qui a écrit cette semaine dans un éditorial du quotidien pro-gouvernemental Fraternité Matin que, « avant toute chose, nous devons faire l’union sacrée » et unir « nos efforts pour faire face aux terroristes ».

Laurent Gbagbo reste sous le coup d’une condamnation en Côte d’Ivoire à vingt ans de prison pour le « braquage » de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pendant la crise de 2010-2011, mais le gouvernement a laissé entendre qu’elle serait abandonnée.

Stéphane BARBIER et Christophe KOFFI

Source : La Libre.be (Belgique)

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