Ibrahima Thiaw devant la 75eme Assemblée Générale des Nations Unies : La dégradation des sols potentiellement source de conflits

1 ha de terres sur 5 inutilisable, 3 milliards de personnes directement ou indirectement touchées… le tableau dressé par le Secrétaire Exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification M. Ibrahima Thiaw dans son discours lors du Dialogue de haut niveau de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur la désertification n’est pas des plus reluisants. Les conséquences sont catastrophiques et pourraient l’être davantage, quand on sait que pour des milliards d’humains, la terre reste l’unique ressource et le seul espoir d’une vie décente.

Des dizaines de millions de déplacés climatiques d’ici 2045

Parmi les principales causes, le président de la 75ème  Assemblée Générale, M. Volkan Bozkir indexe les pratiques culturales non durables, elles-mêmes conditionnées par un système économique et des habitudes de consommation qui font peser jusqu’à la moitié du PIB mondial sur les ressources terrestres. A ce rythme, ce sont 135 millions de personnes qui pourraient être contraintes à l’exil d’ici 2045. La crise environnementale pourrait se doubler d’une crise alimentaire avec une baisse des rendements agricoles mondiaux qui pourrait se situer entre 10 et 50%. Ce qui déstructurerait le marché avec des prix qui pourraient grimper de 30% au niveau mondial, le tout s’accompagnant de risques de famine, de malnutrition et de sous-alimentation.

Pour les pays du Sahel, la dégradation des sols pourrait se traduire à terme par des conflits nés de la compétition pour l’accès à une ressource de plus en plus rare. La sécheresse et la désertification pourraient également jeter des milliers d’agriculteurs sinistrés sur les routes de l’exode ou d’une migration de plus en plus lointaine et périlleuse. La dégradation des sols pourrait enfin considérablement désorganiser des Etats fragiles en faisant tomber des populations désespérées dans les bras du terrorisme et du crime organisé. Et pour ne rien arranger, la situation sanitaire née de la pandémie liée au virus COVID19 a fragilisé davantage les franges qui ferraillaient avec un quotidien déjà passablement difficile.

Un changement de paradigme pour inverser la courbe vicieuse.

Malgré l’urgence et la gravité, la situation n’est pas irréversible. Mais il faudra plus que des incantations pour freiner cette course folle vers l’extinction. Dans un contexte où le monde prépare l’ère post COVID19, des solutions innovantes ont été dessinées par M. Ibrahima Thiaw, avec une approche centrée sur les terres.

Selon le Secrétaire Exécutif de UNCCD, en consacrant le cinquième des 16000 milliards de dollars US injectés dans l’économie mondiale depuis le début de la pandémie, le monde se mettrait sur l’orbite de la durabilité. Ce faisant, l’économie mondiale générerait « près de 400 millions de nouveaux emplois verts, créant plus de 10 000 milliards de dollars de valeur commerciale annuelle. »

Il faudrait naturellement compter sur un changement de paradigme et des ajustements –à défaut d’une remise en cause- du modèle économique actuel en promouvant des projets générateurs d’emplois verts (notamment dans la restauration des terres), en faisant la prime à l’agriculture régénérative et les investissements dans la gestion durable des terres, en favorisant l’essor des énergies propres…

Pour y parvenir, M. Thiaw invite à plus de cohérence et de coopération dans trois domaines. D’abord celui de l’emploi avec création d’emplois permanents et décents en particulier pour les jeunes et les femmes, dans l’agriculture régénératrice, l’agroforesterie, les infrastructures vertes et la restauration des écosystèmes. Ensuite celui des finances par des mesures incitatives comme par exemple en réorientant les subventions, les investissements et les autres mécanismes financiers pour récompenser les communautés qui protègent et régénèrent le capital naturel.  Enfin, en matière de gouvernance et de coopération, M. Ibrahima Thiaw en appelle au renforcement du régime foncier et des droits fonciers afin de « créer rapidement de nouveaux emplois verts grâce à la valeur ajoutée, aux économies d’échelle et à un meilleur accès au marché ». M. Thiaw, en fils du Fuuta ayant les pieds sur les terres agricoles du bassin du fleuve Sénégal sait de quoi il parle quand il dit que « des recherches ont montré que les zones gérées par les populations autochtones et les communautés locales subissent moins de dommages environnementaux. Nous devons leur donner les moyens d’agir ».

C’est à un renouveau du contrat social qu’invite M. Ibrahima Thiaw. Le Mauritanien a indiqué au niveau mondial la voie à suivre pour sortir de la pandémie dans une position avantageuse aussi bien pour les terres que les pays, les économies, les sociétés et les espèces.  Au moment où la Mauritanie relance le débat sur la question foncière, elle ne pouvait espérer bénéficier des lumières de meilleur expert. L’opportunité est là. Reste à savoir la saisir.

 

 

 

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